Enorme superproduction qui nécessita deux ans de prépa et amorça la résurrection de Cinecitta. Co-pro française oblige, les rôles principaux sont français, ce qui donne l'impression d'un "péplum français", donc d'une sorte d'OVNI... qui a mal vieilli. Sa propagande sulpicienne est devenue risible. Faute à un scénario qui part dans tous les sens (apparemment l'adaptation du roman a été un casse-tête pour une flopée de scénaristes passés par là), les conversions chrétiennes se propagent à coups de baguette magique chez des personnages qui y perdent toute crédibilité. La fin sombre dans le kitsch : quand pour la première fois l'héroïne Fabiola fait (emphatiquement, of course) le signe de croix, instantanément les gladiateurs cessent leurs combats dans l'arène, gagnés par l'amour universel. Le fade Henri Vidal fait assez bien le job mais, plus mauvaise que jamais (c'est dire) Michele Morgan fracasse toutes ses scènes - tous deux se marieront à l'issue du tournage, et commettront ensemble nombre de nanars dans les années 50 dont seul surnagera "L'étrange Mme X" de Grémillon.
Reste la gestion très impressionnante des plans larges, au début (l'arrivée au port et le déchargement d'une galère) ou à la fin (les jeux du cirque), qui rappellent que Blasetti a réalisé ce chef d'oeuvre qu'est "1860" - d'une manière générale la mise en scène reste élégante, dans les mouvements d'appareil, la gestion de l'espace, l'érotisation (certes un peu poussiéreuse) des corps ou l'irruption d'une violence spectaculaire (la mort de l'enfant).
Et il y a un merveilleux personnage, le père de Fabiola, joué par un Michel Simon qui prend au sérieux son rôle de patricien en proie au doute, enclin à défendre les chrétiens par stratégie puis par amitié. On notera aussi, dans le rôle du méchant, la présence du jeune Franco Interlenghi, qui retrouvait la caméra pour la deuxième fois depuis son inoubliable apparition dans "Sciuscià", avant de faire les beaux jours du grand cinéma italien (Les Vitelloni, Dimanche d'août et trois Bolognini).