Après un préambule (dont Guitry n'ose pas faire un plan-séquence intégral) où quelques figures du cinéma français viennent dire des aphorismes de l'auteur, Sacha Guitry entame sa comédie théatrale à trois personnages, trio récurrent du vaudeville avec le mari (Raimu), la femme (Jacqueline Delubac) et l'amant (Guitry).
Face à un Raimu en demi-teinte, peut-être parce qu'il n'est pas le personnage central et qu'il se confronte à un Guitry au sommet de son éloquence, face à une Jacqueline Delubac, charmante d'espièglerie et étonnamment moderne lorsqu'on la découvre au troisième et dernier acte, décoiffée et en chemise sur le lit de son amant, Sacha Guitry fait un récital étincelant et intarissable. Son goût des mots, son sens de la formule et du paradoxe, ses saillies misogynes ou faussement misogynes, le détournent des situations et mouvements débridés d'un certain genre de comédies légères au profit d'une écriture ciselée, pleine de verve et d'esprit, sans négliger pour autant les allusions coquines sans lesquelles le vaudeville ne serait pas le vaudeville. Dans un deuxième acte où, seul en scène, il monologue avec le brio oratoire qu'on lui connait, en amant concupiscent et impatient de recevoir sa nouvelle conquête, la vitalité de cette longue séquence démontre la qualité de la réalisation. Du théatre filmé, oui, mais pas figé.