Les ravages de l’âge occupent dans l’actualité cinématographique deux portraits de père : The Father, de Florian Zeller, et ce Falling, premier essai à la réalisation et l’écriture de l’acteur Viggo Mortensen évoquent tous deux ce sujet, pour un résultat assez distinct.
Là où le premier se rive au point de vue d’un vieil homme dont la conscience part à la dérive, Mortensen reste plus classique dans sa restitution, s’octroyant le rôle du fils chargé d’accompagner un père perdant progressivement son indépendance.
Le récit établit un dialogue entre plusieurs temporalités : le présent donne à voir un dément et la difficulté avec laquelle ses proches endurent sa cruauté, tandis qu’un récit alterné revient sur l’histoire de sa famille, de la petite enfance à l’adolescence du fils, et des rapports déjà très conflictuels avec un homme violent, caractériel et autoritaire.
Le sujet reste fertile en dépit de son manque d’originalité : l’impuissance face à la colère d’un homme, la question de la tolérance à développer face à la maladie et le parallèle établi avec ce qui relève du caractère condamnable d’un père brutal s’invite au fil des séquences, toutes admirablement jouées, particulièrement par Lance Henriksen. Viggo Mortensen tente, sur le plan formel, une partition délicate qui joue du contraste de la photo entre le passé (un peu trop saturé et filtré) et le présent, ménage quelques transitions symboliques (une carafe versant de l’eau génère un souvenir d’une rivière…) et s’essaie à une poésie bucolique à la Malick sans réellement trouver sa patte : si l’on décèle les intentions, le résultat reste encore assez scolaire et manque de personnalité.
Mais c’est surtout sur le plan de l’écriture que le film s’embourbe. Le traitement du conflit est systématiquement sous l’égide d’une écriture dramatique outrée, dans une sorte de pilotage automatique visant à faire endurer le pire aux gentils proches qui se contentent de lever les yeux au ciel et se retenir face au torrent d’ignominies déblatéré par le vieillard qui, sur ce plan, n’a rien perdu de sa vigueur. Histoire d’appuyer la démonstration, Mortensen le met face à la famille progressiste par excellence, jugez du peu : il est gay, marié à un asiatique, ils ont adopté une petite latino, tandis que sa sœur a une ado piercée et un fils aux cheveux bleus. De quoi exciter le vieil aigri, qui va multiplier les horreurs les plus condamnables sur les homos, les étrangers, le nègre Obama, les hippies vegan de Californie, et bien sur leur pute de mère qu’il confond avec sa seconde épouse.
A l’exception d’une petite scène un peu malicieuse ou le pote de Viggo David Cronenberg joue le proctologue pour un toucher rectal au grand-père, tout cela manque singulièrement de finesse, et s’épaissit par des flash-backs de plus en plus démonstratifs sur une famille dysfonctionnelle vivant dans l’ombre d’un monstre. Mortensen, de tous les fronts, aurait peut-être dû déléguer le domaine de l’écriture pour laisser la possibilité à son très bon casting de se mettre au service d’un portait plus subtil.