"Pardonnes moi de t'avoir mis au monde pour que tu meures*..."

John vit en Californie avec son compagnon Eric et leur fille adoptive Mónica, loin de la vie rurale conservatrice qu’il a quittée voilà des années. Willis, son père, vit seul dans une ferme isolée, hanté par ses obsessions et en proie à des troubles cognitifs. En dépit de leur passé conflictuel, John décide de l'inviter chez lui afin que Willis retrouve un foyer.

Falling est un drame Canado-Britannique de Viggo Mortensen de 2020.
Viggo Mortensen a décidé, après une belle carrière d'acteur, de passer derrière la caméra pour réaliser un premier film dramatique au croisement du drame familial et du drame psychologique, celui du déclin d'un homme vieillissant diminué par la maladie. Jamais confortable, Falling aborde la difficulté de réconcilier un homme malade, muré dans ses obsessions, aux membres de sa famille.

La vieillesse est un naufrage

Comme le disait le Général de Gaulle, la vieillesse est un naufrage. Dans notre société médicalement de plus en plus performante, si les ainés vivent plus longtemps, ils vivent surtout davantage en moins bonne santé. Les troubles cognitifs et neurologiques tels que la maladie d'Alzheimer sont ceux qui frappent le plus les personnes tombées dans le grand âge.

Falling décrit, par petite touche et de nombreux flashbacks, la vie d'un homme enfoncé dans ses certitudes, celle d'un contemporain de l'Amérique des années cinquante. Farouchement homophobe, républicain et anticommuniste, Willis (Lance Henriksen dans le rôle de Willis vieillissant est presque effrayant dans le rôle de ce papy maniaco dépressif et retors) a connu l'échec du divorce. L'épreuve ne l'a pourtant ni adouci ni conduit à se remettre en cause. En conflit avec son fils John, il se retrouve seul à la fin de sa vie dans une ferme isolée. Or, l'Amérique des années 2010 n'a plus grand chose à voir avec celle qu'affectionne Willis.

Conflits générationnel et sociétal

John est en couple avec Eric, un homme. Ils ont adopté une petite fille, Monica. Ils incarnent plutôt bien l'Amérique des années 2010, celles qui privilégient les aspirations de l'individu. Sa soeur a 2
enfants à l'identité sexuelle floue, ce qui met le grand père hors de lui. Les retrouvailles familiales organisées par John en même temps qu'il essaie de canaliser son père sont un véritable fiasco. Au delà du clivage générationnel, ce sont les thématiques nationaliste et conservatrice des années 50 qui entrent en collision avec celles individualiste et sociétale des années 2000. Le vieil homme malade n'a toujours pas pardonné à la mère de ses enfants, aujourd'hui décédée, de l'avoir quitté et il remet le problème sur le tapis à longueur de temps. Finalement, John repartira avec son père dans sa ferme isolée pour une cohabitation âpre jusqu'à un affrontement d'une grande violence où chacun "videra son sac". Willis adopte souvent une attitude contre productive voire autodestructrice tandis que John lui prodigue en vain de judicieux conseils (C'est très bien observé de la part de V.Mortensen, les choses se passant hélas parfois comme cela dans la vie réelle).

Le film est marqué par des dialogues cash et souvent crus, le vieil homme touché par la maladie n'ayant plus aucune inhibition.

Pour son casting (Viggo Mortensen, Lance Henriksen, Laura Linney, Sverir Gudnasson (vraiment convaincant dans le rôle de Willis jeune) , Hannah Gross et David Cronenberg (l'urologue)), son réalisme (de nombreux enfants étant confrontés au déclin de leurs parents pour une même issue inéluctable), Falling vaut la peine d'être vue.

• Il s'agit du verbatim du début du film où Willis s'adresse à John qui n'est encore qu'un nouveau né.

Trailer

Ma note: 7/10