Comme The Father (Florian Zeller, 2021), Falling compose une forme apte à mimer les pertes de mémoire et les confusions de Willis : soit un récit-cadre enchâssé par nombre de flashbacks qui viennent perturber la narration, motivés par l’attachement porté à un détail qui plie l’espace et le temps et raccorde aussitôt le personnage à son passé. Toutefois, les retours en arrière n’obéissent pas à une seule focalisation interne ; Viggo Mortensen multiplie les points de vue jusqu’à en tirer une sorte non pas de neutralité, mais de prismes par lesquels une même réalité est perçue. Ce faisant, il met ses personnages, et les acteurs qui les campent, sur le devant de la scène, en ce qu’ils sont les uniques conteurs et détenteurs des images d’un autrefois dissonant, meurtri par des départs et des rancœurs.
Nous retrouvons là l’intelligence d’un geste artistique issu du jeu et dirigé vers les comédiens, puisque Mortensen en est un avant toute chose : la justesse de l’écriture des personnages, la direction d’acteurs remarquable, la sobriété de la réalisation, qui ne s’interdit pas de donner vie à des plans poétiques sur des paysages, tout cela permet au long métrage de retranscrire formellement la simplicité et la spontanéité qu’exige son postulat. Comme récemment l’acteur Christoph Waltz avec Georgetown (2019), Viggo Mortensen réussit son passage derrière la caméra et signe une œuvre audacieuse sur l’existence humaine qui tend néanmoins à résorber sa charge émotionnelle en appliquant un dispositif de mise en scène certes pertinent, mais à terme répétitif et quelque peu artificiel.