Il y a de cela un peu plus d'un an, j'avais redécouvert Fantasia premier du nom, et je l'avais chroniqué. Ce fut une expérience passionnante qui m'avait laissé sur le cul, fasciné et des étoiles plein les tympans et les yeux. Et à ma grande surprise, j'avais alors appris qu'il existait une suite à ce film formidable ! Et bien, voyons voir ce que vaut cette nouvelle version du "film expérimental le plus grandiose de tous les temps" (la citation est de moi).


Fantasia 2000 est donc un film d'animation des studio Disney sorti pour célébrer le passage au XXIème siècle, et le soixantième anniversaire de Fantasia qui fut le film le plus ambitieux jamais imaginé par ce cher vieux Walt.

Et pour ce passage au nouveau millénaire, on prend les même et on recommence ! Enfin, pas vraiment, mais on garde ce qui a marché dans le vieux film pour le remettre au goût du jour. Des séquences abstraites et colorées, de petites histoires mouvementées et imaginatives, et une poésie indéniable. Préparez-vous à voir des baleines volantes, des nuées de papillons, un flamant rose insupportable et Donald aux commandes de l'arche de Noé.


En fait, dès les premières minutes, j'ai été bouche bée. Mais vraiment. La séquence d'ouverture similaire au film de 1940 suivi par l'explosive Cinquième Symphonie de ce bon vieux Ludwig Van m'a donné une dose d'adrénaline vivifiante ! Et tout le film a droit à un traitement esthétique de première qualité, tout comme son aïeul.

C'est très beau, les décors et les personnages sont sculptés avec finesse, l'animation est d'une fluidité impeccable, bref, du grand art. Pour rappel, la période fin 90-2000 n'a pas été 100% réussie pour Disney, avec des films très cools comme Mulan ou Toy Story 2000 et d'autres moins sympas comme Dinosaure et des tas de suites moisies destinées à la vente de VHS. Tout ça pour dire qu'on sent que l'élite des studios a été mise sur le coup, tout comme ça avait été le cas au siècle passé.


Quant à la musique, on est dans ce que les journalistes stupides appeleraient "entre tradition et modernité". On a bien sûr Beethoven, mais surtout des compositeurs plus récents comme Gershwin avec son Rhapsody in Blue ou encore Stravinsky et son fameux Oiseau de Feu. Le fait de choisir des oeuvres plus récentes est intéressant, car il peut se rapprocher d'un choix esthétique. Tout comme Saint-Saëns et Chostakovitch sont des compositeurs de la modernité, les techniques présentes dans le film sont novatrices. On retrouve certes une belle animation 2D mais aussi et surtout de la 3D fine et discrète, loin des traits épais et enfantin de 1001 Pattes.

Pour un spectateur pas vraiment mélomane, la différence entre de l'impressionisme musical et une symphonie peut paraître floue, mais elle existe bel et bien. C'est d'ailleurs une excellente idée que d'avoir utilisé du Gershwin, symbole de la limite entre musique populaire et orchestrations nobles.


Une autre différence majeure avec son ancêtre, c'est dans son ambiance. Fantasia était un film sérieux, qui invitait à l'imagination et à l'émerveillement, ce qui est moins le cas dans ce nouvel opus. Il y a certes de très beaux passages, mais il y aussi beaucoup plus d'humour, du splapstick et des gags de cartoons qui sont certes drôles mais qui gâchent la magie de ce que l'on est en train de voir. Comment voulez-vous apprécier pleinement l'Oiseau de Feu alors que vous avez gloussé dix minutes avant devant un flamant rose qui fait du yo-yo ?

Il y a aussi quelque chose de moins intime, de plus familial et grand spectacle, à voir différents hôtes célèbres avant chaque représentation. Ce n'est plus l'expérimentation grandiose evoluée des Merry Melodies qui devait être jouée dans tous les cinémas avec un orchestre; c'est maintenant un cabaret qui acceuille les idées qui furent rejetés en 1940 pour avoir être remises au goût du jour.


Et j'ai aussi un peu de mal avec la narration de certains segments, qui sentent la nécessité de vouloir raconter une histoire. Franchement, je m'en fiche de voir un petit soldat de plomb qui tente de séduire une ballerine, moi je veux voir des formes s'animer aux rythmes des vibrations créées par une armée de violons ! La synchronisation images-musique n'est plus aussi présente qu'à l'époque, notamment parce qu'il y a ce besoin d'avoir un fil conducteur plutôt que d'oser la picturalité pure et simple. Il faut amuser le spectateur plutôt que de le captiver.

Et tant qu'on parle du film de 1940, j'avoue avoir été déçu et choqué de voir qu'on nous a resservi EXACTEMENT LA MÊME séquence de l'Apprenti Sorcier ! Pourquoi ? Pourquoi ne pas l'avoir ré-animé ou même ré-enregistré ? C'est un chouette segment hein, mais c'était vraiment nécessaire de le remettre tiède dans l'assiette comme ça sans même un peu de salade à côté ? Surtout que le film dure bien moins longtemps que la vieille version, il y a plus de quarante minutes d'écart ! J'aurai préféré voir la version inachevé de La Chevauchée des Valkyries plutôt que revoir EXACTEMENT LA MÊME séquence avec Mickey et son chapeau pointu.


Enfin bref, je râle et je donne sûrement l'impression d'avoir détesté le film. Et pourtant j'ai vraiment pas passez un mauvais moment !

C'est inutile de comparer les deux oeuvres, elles sont différentes et ont leurs qualités et leurs défauts (même si la version 2000 en a quand même plus). J'ai adoré voir des baleines voler, New-York s'animer dans des teintes sobres et des traits simples, et la nature renaître de ses cendres. C'était beau et amusant, même si moins époustouflant et novateur que l'avait été le premier film à sa sortie. Mais il y a pourtant un message important qu'on retrouve dans la séquence de Rhapsody in Blue : peu importe qui l'on est ou notre place dans ce vaste petit monde, on doit toujours trouver une vibration, des sons ou des images pour échapper à notre quotidien parfois un peu trop ennuyeux ou frénétique.

C'est un schéma mémotechnique imbattable que sont parvenues à créer Fantasia et sa suite : son, vibration, évasion.

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le 25 sept. 2023

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Arthur Dunwich

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