Une page se tourne

La critique aura beau avoir pris un malin plaisir à assassiner Fantasia en 1940, c'est au fil des ressorties que le chef-d'oeuvre de Walt Disney va enfin être accepté comme une pépite intemporelle du cinéma d'animation. Perçu comme un film impossible à reproduire ou à imiter, Roy Disney, neveu de l'Oncle Walt, va pourtant souffler l'idée à Michael Eisner de lancer la production d'un deuxième Fantasia dans les années 1990 alors que les Walt Disney Feature Animation sont en plein Nouvel Âge d'Or et que leur dernier-né, La Belle et la Bête, vient d'être nominé à l'Oscar du meilleur film.

Le PDG de The Walt Disney Company finit par accepter, motivé par les recettes fructueuses du Fantasia original dans les ventes en video. De plus, cette décision n'enlève rien à la valeur du premier film, Walt Disney ayant toujours voulu créer des suites à son bébé mais l'échec commercial l'en ayant empêché. Roy Disney ne fait donc que respecter la volonté de son oncle et pour être sûr que son oeuvre marque un nouveau tournant pour Disney Animation, il change le titre de Fantasia Continued en Fantasia 2000, montrant le passage de la compagnie aux grandes oreilles vers un nouveau stade créatif et surtout un nouveau millénaire.

Sur la forme, Fantasia 2000 semble avoir tout pour réussir.
Il ne reste pas dans l'ombre de son aîné et assume son époque en mélangeant le dessin traditionnel et les images de synthèses dans chaque segment proposé. La différence entre la 3D et la 2D pourrait sembler trop frappante mais le film utilise ces deux techniques intelligemment pour un résultat visuel magnifique et, pourrais-je même dire, plus varié que dans le premier Fantasia tant chaque morceau comporte un style d'animation unique et en même temps très référentiel.
La sortie au cinéma sous le format IMAX confirme cette envie de continuer à exploiter les nouvelles technologies comme le faisait Walt Disney.

Si aucun segment de Fantasia 2000 ne dépasse ou n'égale ceux du dessin animé original, certains en sont parfois assez proches, notamment L'Oiseau de Feu de Stravinsky concluant superbement le film par des images renversantes et une maîtrise technique qui ferait presque rappeler Une Nuit sur le Mont Chauve/Ave Maria. La puissance qui se dégage de cette séquence en fait un des moments les plus marquants du Troisième Âge d'Or.

Mais il y a un hic. Presque 60 ans ont passé depuis le premier film et le public a évolué, de même pour ses attentes. Et afin de mieux y répondre, les équipes de Fantasia 2000 ont crû bon d'édulcorer la recette de Fantasia pour attirer le plus de monde possible, notamment les enfants.
Cela s'exprime par l'arrivée de stars entre chaque segment musical allant d'Angela Lansbury à Steve Martin qui soit font leurs sketchs assez lourdingues soit décrivent les séquences qui vont suivre comme si elles allaient déjà entrer dans l'histoire de l'animation à la manière du premier Fantasia.

Autre souci, les scènes animées se veulent plus familiales et divertissantes et donc forcément moins lentes (le placement de Donald pour Pomp and Circumstances est surtout là pour faire rire les spectateurs) ce qui fait que la musique ne s'accorde pas toujours bien avec les images ou est parfois en décalage. Parfois même, Fantasia 2000 semble avouer qu'il ne pourra jamais être supérieur au premier film puisqu'il compte parmi ses segments L'Apprenti Sorcier sans aucune retouche et malgré cet ajout, le long-métrage ne dure qu'à peine 1 heure, les réalisateurs ayant sans doute peur que 2 heures seraient une durée trop longue pour le public moderne.

Plein de bonnes intentions, Fantasia 2000 laisse pourtant un arrière-goût amer dû à ses choix artistiques faisant toujours du toucher-couler. Ses maladresses ne l'ont pas aidé puisque le film s'est planté en beauté à sa sortie annonçant malgré lui la future chute de Disney Animation.
Cela dit, le bilan reste positif car Fantasia 2000 possède tout de même quelques grands moments d'animation qu'il ne faut pas manquer et son existence ne peut que fasciner les fans du film de 1940. Inégal mais tout sauf vide.