Fantasmagorie
6.8
Fantasmagorie

Court-métrage de Patrice Molinard (1963)

Photographe de mode, Patrice Molinard rencontre l'univers du cinéma lors du repérage des abattoirs de Paris pour les besoins du documentaire Le Sang Des Bêtes, réalisé par son beau-frère, Georges Franju, en 1949. Mais ce n'est qu'en 1962 que Molinard décide de troquer son appareil photo contre une caméra en s'essayant à un précaire court-métrage baptisé Dracula N'est Jamais Vaincu !. Amusé par l'expérience, il décide de continuer l'aventure avec une œuvre plus professionnelle, scénarisée et interprétée par une vedette. Proche d'Edith Scob depuis le tournage de La Tête Contre Les Murs, toujours du beau-frère Franju, Molinard sait qu'il pourra compter sur la notoriété de son amie puisqu'elle vient de triompher dans Les Yeux Sans Visage, toujours et encore du beau-frère Franju. Une affaire de famille donc, car c'est l'épouse de Molinard, Barbara, qui tient le rôle de la conteuse, apaisante voix off qui accompagne les spectateurs dans les méandres poétiques et horrifiques de ce moyen-métrage.

Deux siècles après une épidémie vampirique qui a semé la mort dans le département du Val-d'Oise, la civilisation a repris ses droits. Néanmoins, une nuit, une silhouette dérobe le portrait d'une jeune femme endormie près de son époux. Ce dernier doit impérativement quitter la demeure familiale dès le lendemain pour une affaire professionnelle et entame une longue route qui le mène chez un aristocrate qui s'avère être un vampire. Après avoir vampirisé son hôte, ce mystérieux noble voyage dans un cercueil jusqu'à la demeure du couple et vampirise à son tour la jeune femme qui doit désormais se nourrir de sang…

L'histoire est très connue et cette moderne adaptation du plus célèbre roman de Bram Stoker n'est certainement pas ce qui érige Fantasmagorie au rang d'incontestable chef-d'œuvre du cinéma fantastique français. Ici, c'est avant tout l'ingéniosité, les idées de mise en scène et la direction photo de Patrice Molinard qui élève le métrage dans les plus hautes sphères du genre. En se souvenant du cinéma de Murnau et de Dreyer, l'apprenti-cinéaste relève tous les défis et crée un véritable tableau de maître lors de chaque scène, chaque plan, chaque mouvement. Un talent inné ou la chance du débutant ? Peu importe. C'est la singulière approche du mythe vampirique qui oppresse les émotions et emporte l'âme aux confins d'une élégie où expressionnisme, lyrisme et effervescence liée à la Nouvelle Vague se donnent rendez-vous à l'entrée d'un cimetière pour un voyage onirique à travers l'au-delà et ses cieux ornés d'ombre, de lumière et de poésie.

Fantasmagorie est peut-être le plus beau film fantastique français. Plus beau encore que La Belle Et La Bête de Cocteau. Car la grâce et l'allure diaphane d'Edith Scob valent à elles seules toutes les Josette Day du monde. Et quand l'artiste-peintre italien Venantino Venantini apparait dans le rôle du vampire, le cœur s'emballe, les poils se hérissent et la fièvre monte inexorablement.

Avec une inventivité esthétique incessante durant 40 minutes, Patrice Molinard a réalisé une pure œuvre d'Art méconnue et oubliée, ressuscitée un temps sous forme de DVD grâce à Nicolas Stanzick lors de la réédition des 6 premiers numéros du mythique magazine Midi-Minuit Fantastique. Une édition aujourd'hui malheureusement épuisée.

Et pour continuer à citer Stanzick et rendre hommage à son immense travail de passeur culturel, Fantasmagorie reste à ses yeux "le chainon manquant entre Nosferatu, Vampyr et… Lost Highway !".

Et il a parfaitement raison, le bougre.

candygirl_
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le 15 août 2024

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