Ma première rencontre avec Wes Anderson remonte à fin 2014, lorsque, pour la première fois, je découvrais The Grand Budapest Hotel, une histoire émouvante, captivante et enjouée, mais c’est surtout un univers visuel qui s’est dévoilé devant mes yeux. Ce véritable coup de cœur instantané m’a poussé à revoir le film plusieurs fois, ainsi que d’autres films du réalisateur, comme La Famille Tenenbaum, et La Vie Aquatique. Vous savez très probablement que sort bientôt son nouveau film, The Isle of Dogs, réalisé en stop motion. C’est sa seconde œuvre dans le genre, après Fantastic Mr. Fox, que je souhaitais découvrir avant de retrouver le réalisateur dans ses péripéties au pays du soleil levant.
On le sait, les films dits « d’animation » ne sont pas juste faits pour divertir les enfants et amuser la galerie. Les grands représentants du genre, notamment produits par Disney et les studios Pixar, sont souvent riches en messages capables de transcender les générations. Il était intéressant, donc, de voir ce que pouvait proposer Wes Anderson dans cette veine, en adaptant, de surcroît, une œuvre de Roald Dahl, un terrain propice à la libération de son imagination et de sa patte magique. Et, justement, il faut très peu de temps pour que cette magie opère, en nous immergeant dans cet univers bigarré et fantastique, où l’échelle de temps spécifique aux renards semble également s’appliquer au rythme effréné du film.
On retrouve, dans Fantastic Mr. Fox, les composantes classiques de ce qui donne au cinéma de Wes Anderson toute sa saveur : ces plans soigneusement construits, souvent très symétriques, ces nombreux jeux de couleurs, ces découpages en chapitres, et ce côté très décalé. Avec la stop-motion, le charme du cinéma de Wes Anderson est décuplé pour encore mieux nous embarquer dans cette histoire très fidèle aux thématiques chères au cinéaste. Le doute, la perte de confiance, l’âge avançant, provoquent une remise en question de Mr Fox, qui va devoir traverser plusieurs épreuves pour tenter de se prouver qu’il est encore capable de réussir et n’est pas condamné à une existence morne et oisive.
La remise en question est également quelque chose de très présent dans La Famille Tenenbaum par le prisme de la famille, et le personnage de Mr Fox fait souvent écho à celui de Steve Zissou dans La Vie Aquatique, dans cette dévotion infaillible envers ce qui le fait se sentir vivant, et cette quête désespérée d’un idéal perdu. Un idéal qui s’intègre dans un discours plus large sur le rapport de l’Homme à la nature, et de la nature à l’Homme. Entre quête de profit et défense des propriétés chez les uns, et volonté de survivre chez les autres, ce sont deux mondes qui s’affrontent et se confrontent sur les mêmes terres, pour développer un discours sur l’emprise des Hommes sur la nature. Cette manière de la rendre vivante à travers l’humanisation des animaux floute la frontière (issue d’un point de vue très anthropocentré) entre l’Homme et l’animal.
Fantastic Mr. Fox captive le spectateur par sa beauté, fascine par sa maîtrise, touche par sa sincérité, et amuse par sa folie. On retourne volontiers en enfance dans cette aventure trépidante et bigarrée, on retrouve cet émerveillement enfantin dans ce film ostensiblement empreint d’innocence. Wes Anderson a substitué ses acteurs à des alter ego à poils, mais garde tous ses repères et semble définitivement s’amuser dans ce long-métrage d’animation intelligent, drôle et touchant. Un des meilleurs films du réalisateur, et définitivement de bon augure pour The Isle of Dogs.