On l’oublie trop souvent, mais Peter Jackson est loin d’avoir débuté sa carrière avec « Le Seigneur des Anneaux ». En fait, à mille lieues de la Terre du Milieu, le bonhomme sévissait auparavant dans le genre de l’horreur et de la comédie, mélangeant souvent les deux allégrement pour un bouillon généreux, crasseux et définitivement atypique. On peut dire que ça résume bien « Fantômes contre fantômes ». Et production Zemeckis oblige, on a droit à Danny Elfman en grande forme à la musique et Micheal J. Fox surgissant fébrilement de sa DeLorean (il avait déjà parkinson, le pauvre !) pour une nouvelle course tout aussi effrénée. Ça promet.


Marty a donc troqué son gilet de sauvetage rouge et son overboard pour un imper sans impaire et des acolytes de choix : trois fantômes, l’un ringard, l’autre un peu taré et le troisième un peu croulant. A eux quatre, ils arnaquent les pauvres habitants de la ville du coin, avec un business à la « S.O.S. Fantômes ». Et Marty se permet même de draguer un sosie d’Andie McDowell, désemparée par la mort de son sportif de mari. Seulement voilà la faucheuse qui se ramène, toujours au mauvais endroit, au mauvais moment. Le bal peut commencer !


Si « Fantômes contre fantômes » est pourvu d’une énergie aussi réjouissante, c’est avant tout grâce à un rythme de tonnerre, porté par une mise en scène tout aussi foudroyante. Sans aucun temps mort, les événements s’enchaînent avec humour et spontanéité, charme et émotion. Peter soigne ses effets spéciaux, et construit un univers côtoyant souvent l’absurde, et parfois le drame. Je disais tout à l’heure qu’il n’y avait rien de plus atypique, cela mérite précision : en effet le film est un panel tellement varié et typique du genre horrifique (fantômes, cimetière, manoir, flic bedonnant, serial killer ectoplasmique, fusil à pompe…) que cela donne une alchimie grotesque et forcément surprenante. Jackson joue subtilement avec les codes de l’horreur et des rebondissements narratifs au point que tout devient irrésistiblement attachant, bienveillant même, à commencer par le rôle incroyable de Jeffrey Combs en agent du FBI increvable et névrosé. Jackson s’amuse d’ailleurs particulièrement lors des apparitions de ce personnage, multipliant les gros plans astucieux et déconcertants.


Au-delà de ça, le film se démarque aussi lorsqu’il aborde la mort et le deuil. Si Marty peut voir les fantômes, c’est depuis son tragique accident de voiture qui a coûté la vie de sa femme. Le traumatisme de la mort revient tout au long du film, à travers les différents personnages, et toujours avec brutalité et sans détour. Le passage le plus marquant de cette démarche reste lorsque Marty, alors qu’il se réfugie dans un hôpital abandonné, est secoué par les visions d’une épouvantable tuerie ayant eu lieu des années auparavant dans ce même hôpital. Le montage alterné et épileptique rend la violence de cette séquence d’une frontalité inouïe. La preuve que « Fantômes contre fantômes » n’est pas qu’une comédie horrifique jubilatoire, car il interroge notre rapport à la mort d’une bien curieuse manière.


Une chose est certaine : Jackson n’est pas un cinéaste de la vacuité, pour sûr. Il prend son pied à mettre en place des idées foutraques et foisonnantes, tout en restant parfaitement cohérent et fidèle à sa vision du cinéma, habile et divertissante mais toujours teintée d’un fond de drame.

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le 13 sept. 2015

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Marius Jouanny

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