Fatal Termination
6.2
Fatal Termination

Film de Andrew Kam (1990)

Au sein de la production pléthorique des années 80, il y a énormément de films qui, n'ayant pas su s'imposer au box office, sont peu à peu tombés dans l'oubli. L'industrie du cinéma local s'intéressant avant tout au profit direct, ces œuvres peu rentables n'ont eu droit (dans le meilleur des cas) qu'à des sorties discrètes en VCD ou VHS. On ne peut d'ailleurs pas donner complètement tort au système Hong Kongais en la matière, beaucoup de ces films étant effectivement d'une qualité médiocre. Mais il y a également des petites perles qui se cachent au milieu de cette production oubliée. Fatal Termination en est une.

Sur bien des points, Fatal Termination est typique des polars Hong Kongais de la fin des années 80.Il représente même une quasi synthèses des divers sous genres qui agitaient la grande famille des films de flics et de gangesters alors tant à la mode. On retrouve ainsi une pincée de girls with guns (personnifiée par la seule présence de Moon Lee et essentiellement dans la seconde partie du film), de Kung Fu polar (Simon Yam qui décoche des coups de pieds, Robin Shou qui fait une petite démonstration de ses capacités martiales) et surtout une bonne louche de noirceur à la Big Heat. Le fait de retrouver aux commandes du film le réalisateur Andrew Kam en est d'autant plus surprenant ! Lui qui s'était fait écarter de The Big Heat et dont le film avait été retourné et remonté dans un sens plus violent et pessimiste, voila qu'il met en scène avec Fatal Termination une œuvre tout aussi agressive et désespérée. A croire qu'il a voulu prouver à Tsui Hark pouvoir faire aussi extrême que lui ! Seul l'Heroic Bloodshed avec son romantisme exacerbé est ici absent.
Le casting est dans son ensemble lui aussi représentatif d'une certaine tendance du polar HK de la fin des années 80/début 90 : La tendance petit budget. Simon Yam, stakhanoviste du polar durant la période, n'était pas très regardant sur la qualité des scénarios qu'on lui proposait et passait d'un tournage à un autre à la vitesse de la lumière. Fatal Termination en était un parmi bien d'autres. Ray Lui était également dans une posture similaire, juste un peu moins spécialisé que son ancien camarade de la TVB. Moon, malgré son talent, était elle bloquée dans le girls with guns et enchaînait les films d'intérêt variable (moyen poli de dire qu'il y en avait de sacrément médiocres dans le lot !). Mais le plus emblématique du genre, c'est bien sur l'irremplaçable Philip Ko ! L'artiste martial avait bien su se reconvertir du old school et avait trouvé sa voie dans le polar d'action à faible coût, s'investissant largement derrière les caméras. En plus de jouer le méchant, il est un des producteurs de Fatal Termination, apposant davantage sa marque sur le film. Or l'amateur averti sait bien que qui dit Ko aux commandes d'un film, dit daube en perspective... Heureusement, en cette année 90, au sein d'une industrie foisonnante et hyper créative, petit budget ne rime pas forcément avec médiocrité. Un indéniable savoir faire régnait et permettait même aux films les moins aboutis d'avoir quelques bonnes choses pour se vendre. De nos jours, une équipe technique et un casting aussi professionnel que celui du film ferait d'ailleurs bien envie aux productions fauchées toujours réalisées à HK.

Pour un film du registre « polar fauché » (comme défini plus haut), Fatal Termination présente un scénario un peu plus abouti que d'habitude. Il y a bien quelques maladresses inhérentes aux polars HK (ah, ces gweilos avec du fond de teint et un turban pour jouer les terroristes moyen orientaux !) mais on sent une réelle volonté de construire une histoire solide. Cette volonté s'exprime moins à travers les enjeux du film, démantèlement d'un trafic d'armes et de la petite organisation criminelle mis en place par un flic pourri, qui se démarquent assez peu des autres productions du même genre qu'à travers l'accent mis sur les personnages.
Toute la première partie du film sert à tisser les liens entre les différents protagonistess et à éclairer, par des petites touches légères, leurs personnalités respectives. C'est surtout le couple Ray Lui/Moon Lee qui en bénéficie le plus. Leurs rapports sonnent vrai et touchants (voir la scène où Moon cherche à faire parler son mari après la mort de son frère ou leur échange de regards avant que la séquence d'action finale ne commence). Moon est tout particulièrement impressionnante dans sa métamorphose d'une épouse aimante et attentionnée à une mère désespérée et obsédée par la vengeance. Sa performance confère une belle intensité dramatique au film. Intéressant également est le personnage de Collin Cheung, sorte de pendant jeune du Ng Man Tat de Tiger Cage. Ecartelé entre la peur de voir ses actions criminelles dénoncées et l'horreur que lui inspirent les méthodes de ses anciens compagnons de crime, le jeune homme ne sait plus vers quel coté se tourner. Ses hésitations amènent également leurs lots de séquences dramatiques plutôt prenantes (voir au moment de l'enterrement du frère de Moon). On peut enfin noter l'efficace caractérisation des méchants. Si les personnages de Robin Shou et de Philip Ko sont bien manichéens, les acteurs leur donnent une belle allure (Shou est excellent en pourri roublard) et leurs rapports sont rendus plus intéressants par l'évidente rivalité qu'ils entretiennent (très bonne scène du sauna où Ko manque de tuer Shou).
Tout n'est pas parfait non plus à ce niveau et, si Andrew Kam fait du bon boulot sur la majorité des personnages (sans non plus aller dans des montagnes de psychologie), il peine énormément avec celui de Simon Yam, à la fois peu crédible et mal intégré à l'ensemble du film (personnage principal en début de métrage, il disparaît progressivement du film jusqu'à réapparaître abruptement pour le final). Ce développement un peu maladroit est d'ailleurs la source des quelques petites baisses de rythmes que connaît parfois la première partie du métrage.

Mais le traitement d'Andrew Kam porte finalement ses fruits dans la seconde partie du film. Jusqu'alors, il s'était concentré sur ses personnages et avait livré assez peu de scènes d'actions, prenant le risque de frustrer les amateurs du genre, public premier d'un film comme Fatal Termination. Estimant avoir posé les bases nécessaires pour que le public s'intéresse à son histoire, le réalisateur lache enfin la machine pour un déchaînement hallucinant de violence.
LA séquence emblématique, c'est bien sur cette fameuse scène dans laquelle Mike Abbot tient (par les cheveux !) la fille de Moon à l'extérieur d'une voiture lancée à pleine vitesse. Le type d'image qu'on ne voit que dans un film de HK et qui laisse bouche bé ! A partir de là, les séquences d'action s'enchaînent : Affrontement à mains nues (un Moon Lee/Philip Ko, ça ne se refuse pas !), chutes spectaculaires, courses poursuites voitures contre hélicoptères, gunfights explosifs... Le point commun entre tout ça, c'est l'extrême agressivité de l'action. Les impacts font très mal (pauvre Moon !) et les personnages passent leur temps à souffrir, les visages déformés par la haine ou la tristesse. La réalisation sèche de Kam, assisté de Paul Wong comme chorégraphe, accentue encore cette impression de violence jusqu'au boutiste. Du bien beau boulot qui fait passer comme une lettre à la poste certaines séquences théoriquement trop longues (le final).

Sans être un chef d'œuvre, Fatal Termination est l'exemple même de la petite série B Hong Kongaise comme on les aime, avec des personnages crédibles, une ambiance bien sombre et de l'action agressive à souhait. Difficile de faire la fine bouche en face de ça.
Palplathune

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