Cela commence par une séquence magnifique. Une femme muette et superbe regarde les clients du bar boire et rire, se battre, se réconcilier. Elle règne en maître sur son petit territoire. Vient le moment où elle se met à chanter, et où l’évidence se révèle : Félicité (excellente Véro Tshanda Beya Mputu) est plus qu’une chanteuse, elle est reine.
Les fondations de son royaume menacent cependant dangereusement de s’écrouler. Son fils Samo (Gaetan Claudia) s’amoche salement dans un accident. Il gît, mutique, sur son lit d’hôpital, la jambe en sang et le regard fixe. Alors Félicité part en guerre, et remue ciel et terre pour le sauver, quitte à tout sacrifier au passage, ses économies, sa santé, et, plus grave encore, sa fierté. Cette première partie est haletante, pleine de fièvre. Alain Gomis, réalisateur franco-sénégalais, nous montre l’Afrique comme on ne la voit jamais ou rarement, avec ses problèmes, ses élans, ses promesses. Rien n’est rose mais rien n’est noir non plus. La fraternité dispute avec la vénalité, le progrès avec l’archaïsme, les vestiges de la colonisation avec la culture ancestrale. Félicité plaide pour une société congolaise métissée, où les chants traditionnels ont autant leur place que les concertos classiques.
A la sortie du cadre de l’hôpital, et de cette quête maternelle désespérée, le film retombe dans une temporalité plus contemplative. Gomis a eu la bonne idée d’alterner plusieurs séquences de manière cyclique (concert classique, concert traditionnel, scène onirique en forêt), mais ce qui donnait du souffle au propos finit par le plomber. Félicité n’a pas volé son Grand Prix du jury de la dernière Berlinale, mais pêche comme beaucoup de films contemporains par un excès de bonne volonté et une longueur injustifiée. Reste en sortant l’impression d’une grande force vitale, et un mélange d’amitié et de respect pour son personnage principal, qui rejoint Fantine et Mère Courage au panthéon des héroïnes maternelles.