Lady McBeth ou encore Emma Bovary, les comparaisons littéraires ne manquent pas pour inspirer Katherine, héroïne du dernier film de William Oldroyd, lui-même adaptaté du roman russe Lady Macbeth du district de Mtsensk de Nikolai Leskov. Comme Emma, Katherine (Florence Pugh) s’ennuie dans sa campagne, liée par les chaînes du mariage avec un homme qu’elle n’aime pas. Et comme Lady McBeth, elle va orchestrer sa libération, jusqu’à céder à la folie meurtrière.
Le personnage est porté par une interprète magistrale : sphinx féminin, Florence Pugh irradie d’énergie contenue, de sensualité maîtrisée. Avec cette intrusion tonitruante du charnel, The Young Lady rappelle également la lady Chatterley de D.H. Lawrence. Comme elle, Katherine rejette les conventions ternes, veut sentir le vent dans ses cheveux, mange, marche, prend un amant. Une grande partie du film la représente au lit, dormant ou faisant l’amour, abandonnant symboliquement sa chemise de nuit boutonnée jusqu’au cou pour se prélasser nue dans les draps.
Pulsion de vie, pulsion meurtrière. On est stupéfait de voir jusqu’où cette femme est prête à aller pour conquérir sa liberté. William Oldroyd souligne l’ombre plutôt que la lumière chez ses personnages. De personnage opprimé et sympathique, Catherine devient bourreau. La bourgeoisie rurale est dépeinte comme une galerie de pantins cruels. La morale est aussi terriblement pragmatique : ce n’est ni le mal, ni le bien qui sont récompensés, mais simplement l’audace et la prise de risque.
The Young Lady profite de plans épurés d’une grande beauté visuelle, composés comme des tableaux. L’épure touche aussi le sonore, à travers la quasi-absence de musique et la grande simplicité des dialogues. Certaines scènes sont superbes. Katherine semble flotter majestueusement dans les décors, fantôme d’un autre âge. Insoumise, affranchie, son personnage s’impose comme une référence au panthéon artistique des grandes figures féminines.