Même si certaines de ses productions des années 70-80 sont considérées comme des classiques, aucun film de Brian de Palma n’a fait l’unanimité depuis L’Impasse en 1993. Cela fait donc 23 ans, ce qui n’est pas rien. Néanmoins, depuis la sorti de ce film, de Palma a continué à réaliser des films mineurs mais qui ne manquent pas d’intérêt. On pourra citer Snake Eyes, pur thriller « de Palmien » avec Nicolas Cage ou encore Mission to Mars, petite curiosité de science-fiction influencée par le 2001, L’Odyssée de l’Espace de Kubrick. Femme Fatale, sorti en 2002 et avec Antonio Banderas et Rebecca Romijn, fait aussi parti de ces films. Il nous raconte l’histoire de Laure (Rebecca Romijn) et sa bande de cambrioleurs qui volent la robe de la top model Veronica pendant le Festival de Cannes. Une fois l’objet récupéré, Laure décide de doubler ses coéquipiers et de partir seul avec le magot. De retour à Paris, elle se fait recueillir par une famille d’inconnus qui pensent que Laure est en fait leur fille Lilly qui a fugué. Pendant que Laure, toute contente de sa couverture tombée du ciel, se prélasse dans son bain, Lilly, qui vient d’entrer dans la maison, commence à rédiger une lettre de suicide. Lilly se tue sans que Laure bouge le petit doigt et ensuite, Laure vole le billet d’avion vers les Etats-Unis et le passeport de Lilly et part refaire sa vie aux States. Sept ans plus tard, de retour à Paris et mariée à l’ambassadeur américain en poste en France, elle se fait prendre en photo par un paparazzi, Nicolas Bardo, interprété par Antonio Banderas. Cette simple photo volée va attirer les anciens coéquipiers de Laure ainsi que la vengeance de Laure envers Nicolas…
Premièrement, j’ai un peu de mal avec le scénario qui joue beaucoup trop sur les coïncidences pour être crédible : Laure revient à Paris et au même moment Nicolas prend une photo d’elle et au moment où la photo est publiée par le magazine people, les deux ex-coéquipiers de Laure aperçoivent la photo. Bref, c’est un trop invraisemblable pour qu’on y croit. J’ai aussi quelques griefs envers la fin :
A la fin, on apprend que Veronica (celle qui possède la robe) était en fait complice de Laure et, au cours d’une fusillade, Laure et Nicolas se font tuer mais on apprend que tout ça était une sorte de rêve ou de futur possible. A son réveil, Laure décide d’empêcher Lilly de se suicider. Par un concours de circonstances, les deux coéquipiers de Laure sont tués quelques jours plus tard et au final, Laure rencontre Nicolas et commence à sortir avec lui, tout en gardant la magot. J’ai du mal avec cette fin car non seulement Laure s’en tire tranquillement alors qu’elle a doublé ses coéquipiers et qu’elle a volé une robe d’une valeur inestimable (même si celle qui possède la robe est complice, ça ne se fait pas). Si elle a rêvé qu’elle pourrait se comporter comme ça, cela veut dire qu’elle est vraiment sadique et manipulatrice et cela me gène qu’elle s’en sorte si bien et qu’à la fin le réalisateur semble là considérer comme une « gentille » alors qu’elle a enchainé les coups de pute tout au long du film. La fin où Laure et Nicolas meurent est cette un peu moralisatrice (si Nicolas n’avait pas fait le paparazzi il ne serait pas mort et si Laure avait été réglo elle ne serait pas morte) mais elle a le mérite de ne pas être en noeud-de-boudin.
Le concours de circonstance qui entraine la mort des deux anciens coéquipiers est aussi ultra tiré par les cheveux et très peu crédible.
C’est vraiment un pur film de Brian de Palma. L’idée de départ, même si elle a été modifiée par la suite, vient de lui et tout dans le film sent le de Palma à 3 kilomètres à la ronde. On a tout d’abord la tension sexuelle et le jeu de domination dans tout le film, l’aspect voyeurisme (l’importance des photographies, des caméras de surveillance, scène de strip-tease,…) hérité de « Fenêtre sur Cour » d’Hitchcock, la thématique du double avec l’usurpation d’identité où Laure se fait passer pour une autre femme,… Et c’est un peu ça le problème du film. De Palma veut traiter toute ses thématiques et au final on se retrouve avec un film fourre-tout et auto-parodique. Dans ses films des années 70-80, de Palma traitait ses thématiques plus ou moins indépendamment : la manipulation des images dans Blow Out, le double et le voyeurisme dans Body Double… alors que dans Femme Fatale, il veut tout mettre d’un coup et au final n’arrive pas à bien traiter en profondeur un sujet.
Le film confirme aussi (à ceux qui n’ont pas encore deviné) que de Palma est bien le fils spirituel d’Hitchcock. Le scénario est très hitchcockien (le faux coupable, marque de fabrique de Hitch) mais là où Hitchcock contourne la censure avec des métaphores plus ou moins explicites comme le plan sur un train qui pénètre dans un tunnel dans « La Mort aux Trousses » (https://www.youtube.com/watch?v=DPt-4Nwght0), métaphore de l’acte sexuel entre Cary Grant et Eva Marie Saint, de Palma montre clairement à l’image les scènes de sexe.
La réalisation est aussi typique de de Palma mais bon, ça, on pouvait s’y attendre. Etant moi même un gros fan du monsieur, je me réjouis de retrouver ses gimmicks habituels : split-screen, demi-bonnette (lentille permettant de faire le point sur deux objets situés à des distances différentes de l’objectif), mouvements de caméra complexes,… Il tend néanmoins à s’assagir depuis quelques années en proposant de moins en moins d’effets « tape à l’oeil ». On pourra aussi citer la scène de cambriolage ultra-maîtrisée sur fond de Boléro au début qui vaut le détour.
Au final on se retrouve avec un film fourre-tout, avec un scénario abracadabrant mais pas désagréable si on est fan du style. Néanmoins, de Palma confirme avec ce film qu’il tourne vraiment en rond : même effets de montage, mêmes références à Hitchcock (surtout Sueurs Froides), mêmes thématiques bien mieux traitées dans ses précédents films, etc. De Palma reste dans sa zone de confort et s’autoparodie. A trop vouloir exploiter le style qui a fait sa renommée, on obtient un film sans grande surprise. Malgré quelques moments de bravoure comme le cambriolage sur fond de Boléro au début, il ne plaira qu’aux inconditionnels du réalisateur.