On ne s'aperçoit pas toujours de la grande qualité de quelque chose que l'on voit. C'est tout à fait valable pour le cinéma. De la même manière qu'on reconnaît le bonheur au bruit qu'il fait lorsqu'il s'en va, un film comme Fenêtre sur cour n'emporte pas forcément l'enthousiasme instantanément, mais s'apprécie au regard de ce qu'on regarde ensuite.
Au visionnage, on assiste à une enquête en vase clos. Plus qu'un huis clos où les rares personnages tourbillonnent pour créer l'illusion d'un mouvement, Fenêtre sur cour propose une action quasi immobile, montrée depuis le point de vue d'un infirme temporaire que la curiosité (mal placée) va faire assister à ce qu'il analyse comme un meurtre conjugal, et qui se transforme dès lors en enquête de bric et de broc.
Et c'est sur ce postulat qur James Stewart et Grace Kelly vont scruter, surveiller, toujours depuis l'appartement et la fenêtre qui donnent sur la cour de l’immeuble, l'ensemble des voisins et leur vie quotidienne, entre ébats, jardinage, babillages, séductions, réussites, hontes et secrets.
Il ne se passe pas grand chose mais force est de constater que le professeur Hitchcock tient parfaitement maîtrisé l'ensemble de sa production, propre, précise. Il suggère sans rien démontrer, évoque, soulève brièvement des rideaux avant de les refermer, surfe sur les sous-entendus et fertilise l'imagination d'un spectateur ne se rendant pas bien compte que le temps passe.
C'est le tour de force de Fenêtre sur cour, rendre intéressante les tentatives de tromper l'ennui d'un journaliste immobilisé qui doit renoncer à une offre de reportage extrême, pour cause de plâtre.
Alors, à quoi assiste t-on ? Aux élucubrations d'un homme solitaire en mal de sensations fortes ? A une enquête véritable, menée par des amateurs aussi ingénieux que courageux ?
Peu importe dans le fond, le film passe sans temps mort, entre suspense et blagounettes, offrant au passage du grain à moudre à la réflexion sur le respect de la vie privée et la curiosité mal placée d'une commauté de vie forcée...