Immobilisé par une jambe plâtrée, Jeff a tout le loisir d'observer depuis son salon l'existence quotidienne de ses voisins d'en face, tout en devisant sur ses réticences à épouser sa fiancée Lisa.
Hitchcock ne croit sans doute pas au bonheur conjugal et à l'harmonie entre les deux sexes. Et son opinion, plus désabusée que cynique ou misogyne (quoique...) est relayée, soutenue, par l'échantillonnage de vies intimes qui s'offre à la curiosité du personnage de James Stewart.
Le film ne se déparera pas d'une gentille ironie, même lorsque les choses sérieuses commencent, quand Jeff, remarquant le comportement étrange d'un voisin, se convainc d'un crime. Sagacité ou illusion? Fantasme? Au coeur des investigations indiscrètes que Jeff entame depuis chez lui, Hitchcock laisse s'introduire le doute tout en engageant une réflexion à la fois sur le voyeurisme et sur la légitimité de l'immixtion dans la vie privée d'autrui.
La mise en scène est inspirée, inventive et pleine d'astuces. Pas gênée par l'unité de lieu, elle est déterminée, par le regard subjectif du héros (et du spectateur par extension) et produit un suspense ludique et singulier, autant que l'est le sujet. Quoique que peut-être un peu bavard, le film est d'une richesse évidente, tant par les idées qu'il porte que par sa maitrise technique.