Pas besoin de rappeler qu’Alfred Hitchcock est le maître incontesté du suspense. Cependant, au-delà de sa maîtrise du genre, il explore dans Fenêtre sur Cour des thèmes plus profonds, comme ici le voyeurisme. Le spectateur devient un observateur curieux, captivé par la vie des autres autant pour se distraire que pour mieux les comprendre.
Dès la scène d’exposition, ce thème s’impose. Les rideaux qui se lèvent durant le générique créent l’illusion que l’on adopte le regard d’un personnage contemplant sa cour. Mais très vite, on comprend que c’est en réalité notre regard, celui du spectateur, que la caméra matérialise grâce à des panoramiques subtils et naturels.
Tout au long du film, cette idée du voyeurisme est omniprésente. L’infirmière, personnage secondaire mais perspicace, va jusqu’à qualifier le héros lui-même de voyeur : il passe ses journées à espionner ses voisins pour tromper l’ennui. Jeff, cloué dans son fauteuil roulant, devient ainsi une sorte d’alter ego du spectateur : un homme ordinaire qui observe la vie par procuration et se nourrit du moindre drame. Et quoi de plus captivant qu’un possible meurtre pour nourrir cette fascination ?
Hitchcock renforce cette sensation d’enfermement et de curiosité en limitant l’action à l’appartement de Jeff et aux fenêtres des voisins. On ne quitte jamais ce cadre. Pourtant, le réalisateur s’amuse à détourner notre attention : des scènes d’autres fenêtres — la danseuse, le couple marié, le pianiste — viennent constamment nous distraire de l’enquête principale, rappelant combien notre curiosité peut se perdre dans des détails.
Ce jeu de regards est aussi incarné par Lisa, l’amoureuse élégante de Jeff, qui symbolise une autre distraction. Bien qu’elle cherche à l’aimer et à le combler, Jeff reste obstinément absorbé par la vie des autres. Une métaphore du spectateur qui préfère parfois l’illusion d’une histoire captivante à la réalité à portée de main.
Enfin, la fermeture des rideaux pour clore le film est magistrale. Hitchcock ne livre pas seulement un thriller : il rend hommage aux arts dans leur diversité. Le pianiste évoque la musique, la ballerine incarne la danse, et les fenêtres elles-mêmes, avec leurs rideaux, deviennent une scène de théâtre miniature.
Même le célèbre caméo du réalisateur, bien visible dans cet opus, ajoute une touche de malice qui ravira les connaisseurs.
C’est un film qui mérite sa réputation! Regardez le !