En espagnol cinéma se dit Pelicula et c'est un des nombreux thèmes qu'aborde ce magnifique "Fermer les yeux". La pellicule, le projecteur, la bobine qui défile comme le temps, qu'on voit et dont on entend le bruit à plusieurs reprises, la salle comme lieu de tous les possibles, de tous les milagros. Le film qui permet de graver à jamais, de figer les années, de se voir éternellement jeune ou de mesurer tout ce qui est passé. Le film comme pansement au souvenir défaillant.
Le cinéma qui rejoint forcément le regard dont il est tant question ici...
- Qui regarde qui ? Le spectateur regarde le personnage, lui donnant ainsi une existence et des yeux qui permettent alors au personnage de regarder le spectateur. C'est ce qu'on appelle le face caméra...
- Celui qui a oublié regarde l'écran et s'il ferme les yeux c'est peut-être parce qu' « Il n’y a pas que la mémoire, il y aussi les sentiments ».
- Cinquante ans après Ana s'appelle toujours Ana, et si le temps a marqué les visages depuis "L'Esprit de la ruche", les yeux de la petite fille devenue femme provoquent le même Torrent d'émotions.
- Qui nous fermera les yeux ? Cette question semble obséder un homme de 83 ans qui laisse sa caméra répondre ou plutôt émettre des hypothèses.
« Les miracles au cinéma, c’est fini depuis que Dreyer est mort »
Faux Señor Erice, vous venez d'en apporter une nouvelle preuve avec votre quatrième film où la simplicité du trait semble résonner comme une réponse aux soit-disant génies actuels dont on voit les (très grosses) coutures et qui semblent tirer de la durée exponentielle de leurs chefs-d’œuvre une gloriole. Chez vous le temps s'accorde avec le sujet, chaque minute semble nécessaire. Pour regarder, pour écouter, pour que vive le pouvoir du cinéma...