Festen parvient à déployer une mise en scène d’une inventivité sidérante, qui confère au film une atmosphère à la fois oppressante et d’une cruelle limpidité.
L’image tremblante, brute, presque documentaire, plonge le spectateur dans une proximité étouffante avec les personnages. La photographie granuleuse, dépourvue d’artifices, amplifie l’impression de réalisme et confère à l’ensemble une crudité dérangeante, en parfaite adéquation avec la violence psychologique qui se joue à l’écran.
Mais loin de se limiter à une austérité formelle, Festen déploie un langage visuel d’une cohérence implacable. L’espace labyrinthique du manoir familial devient un terrain d’expérimentation sensorielle : couloirs étroits, jeux de lumière hasardeux, visages filmés en gros plans tremblants ou en contre-plongée brutale. La caméra, jamais figée, épouse les tensions souterraines du récit, transformant chaque mouvement en un prolongement organique du chaos émotionnel ambiant. L’absence de musique est elle aussi magistralement exploitée : le silence, souvent pesant, est brisé par des éclats de rire forcés, des bruits de verre, des cris étouffés qui résonnent avec d’autant plus d’intensité dans cet univers clos.
Ce travail sur la forme ne relève pas d’une simple posture esthétique mais sert avec brio le propos du film. En dévoilant les failles d’une bourgeoisie hypocrite, en mettant à nu les mécanismes de refoulement et de domination, Festen n’offre aucun échappatoire, ni pour ses personnages ni pour le spectateur. Le malaise est total, précisément parce que le dispositif formel, loin d’édulcorer l’horreur, l’expose avec une frontalité déconcertante.