Critique originale sur Le Mag du Ciné
Fête de famille est un film aussi tendre que problématique, constamment en mouvement, il montre la famille comme on a peu l’habitude de la voir dans le cinéma français. Emmanuelle Bercot y est immense.
Quand la scène d’ouverture nous fait entrer dans ce jardin et cette propriété familiale, il faut dire qu’on ne s’attend pas tout de suite à ça, convaincu d’assister à une nouvelle comédie familiale quelque peu classique où la diversité des personnalités crée le comique de situation. Le film de Cédric Kahn va très vite changer son fusil d’épaule, érigeant pourtant chacun de ses personnages en archétype avec le frère un peu à l’ouest, l’autre qui a bien réussi et a de l’argent et la soeur totalement en décalage avec toute cette vie. La surprise semble loin. Pourtant, lorsque l’on rentre dans ces névroses familiales, c’est justement à partir de cela que tout l’intérêt du film va se libérer. Constamment en mouvement pour mieux capter les allées et venues des personnages, des rancœurs, des sentiments, la caméra ne s’arrête jamais, et le spectateur non plus, comme pour mieux saisir l’urgence avec laquelle les caractères se croisent et le feu qui irradie chacun.
Dans la manière dont il creuse l’intérieur des personnages, Kahn passionne davantage qu’il propose quelque chose d’original. Déjà parce que ce n’est pas foncièrement comique malgré les rires des spectateurs qui semblent passer à côté de la moitié du propos, mais aussi parce que c’est rare de parvenir à toucher la vérité d’aussi près avec un personnage aussi complexe que celui joué par Emmanuelle Bercot. Pourtant, cette réalité semble autant lui échapper par moments qu’il réussit à la saisir à d’autres, le film donne à penser que la psychologie de ses personnages le dépasse presque. Maladroit parfois, bancal, la première impression laissée par le film est celle d’une indécision.
La démarche est foncièrement intéressante car au delà du film de famille, le propos est très vite tourné vers ailleurs. C’est dans le personnage de la sœur qu’il aura très vite tout l’intérêt. La manière dont le réalisateur exploite la passion émotionnelle débordante de Claire est au début très convaincante car on y sent la sincérité, l’envie de rendre hommage à ces différences jamais comprises et puis très vite, le film s’y emmêle un peu. À l’image de la société finalement où bien trop souvent, c’est avec des mots comme « folle », « hystérique », « dérangée » qu’on définiera les personnes qui ressentent trop. Cédrick Kahn offre deux récits, deux visions de cette instabilité provoquée par les autres membres de la famille. Si par moments, on sent que les passages sont obligés car ils donnent à voir clairement une réalité sociétale dans la manière dont les gens voient et vivent ces états là sans les connaître, parfois, c’est à se demander si ce n’est pas seulement que le sujet n’est pas maîtrisé par son auteur. Une chose est sûre, Emmanuelle Bercot y trouve un rôle taillé pour elle avec lequel elle grandit le film durant toute sa durée. Il faut dire que le trio de femmes épate, Catherine Deneuve et Luàna Bajrami, dont le début de carrière est assez incroyable, y sont également d’une grande justesse. La tendresse de cette relation mère/fille entre Deneuve et Bercot transpire autant la sincérité que la relation réelle qui lie les deux femmes.
Fête de famille regorge de choses intéressantes en matière de cinéma et de psychologie mais restera ce film duquel on sort plein de doutes sur l’intention, le propos.