Pendant le Tour de France, il m'est plus difficile d'aller au cinéma l'après-midi. Et donc, là, alors que j'essaie d'en profiter au maximum tant que ça dure, la seule possibilité (hors salles commerciales, que j'évite autant que possible, pas envie de filer mon pognon à Gaumont ou à CGR) était ce bien mystérieux Février, programmé à 18h20, suffisamment après la fin de l'étape. Chiche, me suis-je dit. Car j'avais vu il y a deux ou trois ans Glory, un autre film bulgare plutôt pas mal, et j'avoue, honte sur moi, avoir cru fermement que Février était du même réalisateur, ce qui s'est avéré totalement faux dès lors que j'ai eu vérifié. Enfin, bref.
J'avoue que j'ai eu très très peur pendant le premier quart d'heure : plans interminables avec grande profondeur de champ (un gamin qui dévale un sentier sur une colline) et quasiment pas un dialogue. Le souvenir de certains films russes, longs comme un jour sans pain, des années 80 est revenu me hanter. Et puis, peu à peu, je me suis habitué. Car oui, c'est tout le temps comme ça. Mais que voulez-vous, je me suis laissé prendre à la beauté des images et à la solitude digne du personnage principal (et quasi unique) du film. Qui offre par instants de fugaces moments de pure poésie et parvient donc à provoquer l'émotion, en renonçant pourtant à toute forme de pathos que ce soit dans le scénario ou dans la mise en scène.
Reconnaissons ainsi à Kamen Kalev le mérite de ne pas avoir cherché à sortir un film commercial. Février fera peu d'entrées, la salle était d'ailleurs quasi vide. Cela étant, à travers l'évocation en trois époques de la vie d'un ermite, il parvient bon gré mal gré à assumer l'ambition artistique qui était sienne lorsqu'il a imaginé cet étrange objet cinématographique. A partir d'une forme ultra-dépouillée, il approche des thèmes aussi divers et fondamentaux que le destin, la solitude consentie, l'humilité, l'humanité face à la nature, le cycle de la vie qui se renouvelle d'années en années et de saison en saison. Et encore, je n'ai sans doute pas tout compris. Mais la mélancolie que dégage une des scènes finales du film, sous la neige, m'a irrésistiblement fait penser à celle qui tombe à la fin des Gens de Dublin, l'un des chefs d’œuvre de Huston.
Pour conclure, un film contemplatif, donc, dans lequel on ne trouvera ni émotion, ni rire, ni tension, ni action, mais plutôt une forme de beauté simple dans laquelle il faut arriver à s'immerger. Faute de quoi, je comprendrais parfaitement que l'on puisse trouver ce film très ennuyeux...