C’est une œuvre de peu de mots, sinon ceux de Camus, cité directement ou indirectement via des extraits de Meursault, contre-enquête de Kamel Daoud. Bien évidemment, le contexte est ici très différent. Et s’il lui ressemble, Petar (joué par trois acteurs différents en fonction de son âge) n’est pas Meursault : né berger – et peut-être l’était-il déjà dans des vies antérieures, semble nous dire Kamen Kalev – il le restera, quoi qu’il advienne et quelles que soient les rencontres. Son rapport à la nature est singulier, exclusif, dérangeant pour ses semblables. Il y puise, comme ses ancêtres (auxquels le final rend un hommage émouvant), son unique raison d’être au monde.
Des ancêtres qu’on ne voit donc pas. Personnages invisibles et hors-champ, ils sont finalement la seule compagnie de Petar. Bergers, semeurs, tisseuses… c’est peut-être pour les retrouver – pour s’y retrouver – que Petar s’exclut de la société des hommes et trouve refuge dans son rapport privilégié à la terre. Une manière d'être au monde hors d'âge et du temps que souligne parfaitement l'utilisation de la pellicule en argentique, donnant un cachet particulier à ce très joli film.