Heureuse qui comme Alice...
Voilà vraisemblablement le film français de 2014, le plus impudent mais surtout le plus surprenant. Non seulement par le clin d’œil littéraire à l’œuvre d’Homère (Alice comme Ulysse mettra 10 années à retrouver « Fidelio » le bateau témoin de ses premiers pas dans la marine marchande et de ses premières amours avec Gaël, non sans quelques péripéties). Mais également par ce récit de voyage sans concession qui porte notre héroïne sur la voie qu’elle s’est tracée depuis toujours, celle de l’indépendance et de la liberté. Ce n’est pas pour autant une œuvre vindicative ou féministe, juste un beau portrait d’une femme lumineuse et radieuse interprétée par une Ariane Labed totalement habitée par son rôle. Lucie Borteleau se joue d’ailleurs du spectateur, elle compose un univers très masculin, limite macho, dans lequel Alice, qui « n’a pas la vertu des femmes de marins », tient surtout sa place et impose un respect à la seule force de ses compétences et d’un caractère pour le moins trempé. C’est cette ambivalence, entre « la femme » et « le collègue », qui donne à ce film un côté malicieux des plus réjouissants. La réalisatrice (dont c’est le premier long métrage) connaît visiblement bien le milieu de la mer, qu’elle dévoile dans toute sa vitalité, avec ses codes et ses coutumes. Rarement cet univers clôt des marins a été aussi bien dépeint, il faut remonter à l’inoubliable « Crabe Tambour » de Schoendoerffer, dont on trouvera ici pas mal de similitudes. Est-ce à dire que « Fidelio » est un film d’homme, non bien évidemment… quoique… « Fidelio » est avant tout une œuvre attachante, décalée, bien filmée et jouée qui vous imprègne de son charme et semble vous susurrer à l’oreille les paroles de Victor Hugo, « la mer est un espace de rigueur et de liberté ».