The Immigrant
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le 30 juil. 2015
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L'Amérique.
Mais si, vous savez, cette terre où chacun peut devenir ce qu'il veut, faire ce qu'il veut. Cet endroit unique au monde où seules l'oppression et l'intolérance sont bannies. Ce pays symbole de la démocratie et de la liberté, synonyme d'ascension sociale et de progrès.
Voilà ce que se sont dit ceux qui ont tenté la traversée de l'Atlantique pour s'installer dans cette nouvelle terre promise. Ceux qui ont cru à ces mots qui les ont accueillis : "Vieux monde, donne-moi tes exténués, tes pauvres, tes masses écrasées qui aspirent à vivre libres, les misérables reliefs de tes côtes grouillantes".
L'immigration, décidément, est vieille comme le monde, comme le désir d'une vie meilleure qui la motive.
Comme aussi les mensonges qui poussent les gens à partir.
Car les nouveaux arrivants ont vite constaté que le nouveau monde était aussi tyrannique, oppressif, raciste, violent et intolérant que l'ancien, bref, que le rêve américain était précisément un rêve.
Tout ceci ne fait pas un bon film d'animation à première vue. Sauf lorsqu'on s'appelle Steven Spielberg et qu'on a sous la main un réalisateur de génie nommé Don Bluth. Qualité appréciable : il n'a pas peur d'impressionner ses spectateurs, même très jeunes. Il l'avait montré avec son chef d'œuvre " Brisby et le Secret de NIMH" et récidivera avec "Le petit dinosaure et la vallée des merveilles".
Les parents qui s'attendaient donc à montrer à leur progéniture un Disney d'antan avec des animaux qui parlent, de mignonnes chansonnettes et d'innocentes aventures en auront pour leur argent.
Certes, on y trouve chansons et animaux qui parlent (avec quelques personnages attachants, le protagoniste au premier chef). Mais à côté de ça, on a des scènes dantesques (le pogrom d'ouverture, la tempête, les mésaventures de Fievel, l'incendie final…), une suite de péripéties haletantes, même pour un adulte et un scénario évoquant presque explicitement l'antisémitisme des deux bords de l'Atlantique, la famille de Fievel fuyant les persécutions pour chercher fortune à New York (le rêve des immigrants étant symbolisé par l'absence supposée de matous au Nouveau monde, sur laquelle ils ne tardent pas à déchanter).
On y trouve surtout une critique à peine voilée du rêve américain et une évocation de l'histoire de ces immigrants venus d'Europe (on en voit des irlandais, italiens, russes, français) à la recherche du bonheur et découvrant que celui-ci sera bien plus dur à conquérir que prévu. A cet égard, le film ne tombe pas dans la facilité : les Américains "de souche" ne sont pas les méchants, ce rôle incombant aux chats, que l'on trouve aussi en Europe ; les immigrés ne sont pas forcément gentils (Warren T. Rat, le chat déguisé en rat, parle avec un accent italien prononcé qui trahit sa récente américanité).
Mais si le film critique le rêve américain, il ne le condamne pas. L'Amérique que découvre Fievel est dure, mais belle. S'il y trouve de mauvaises gens, il y rencontre aussi de braves personnes. Pour Bluth, l'Amérique n'est pas un paradis terrestre, l'Arcadie (et in Arcadia ego, feles) mais reste une terre des possibles. Le bonheur n'est pas assuré, la fortune n'est peut-être pas au bout du chemin, mais du moins peut-on espérer d'y être moins malheureux.
D'un point de vue scénaristique, Bluth réussit le tour de force de proposer une fin heureuse qui marche. A une époque où le "Happy-end" est critiqué comme trop mièvre ou trop facile, Bluth choisit de finir son film par un dénouement heureux ou Fievel retrouve sa famille, mais sans que cela paraisse forcé ou gentillet : parce que les épreuves traversées pendant tout le film justifient cela, parce que notre protagoniste est passé par les mésaventures les plus sombres (pour un gamin de son âge) pendant une heure de film, la fin apparait comme la digne récompense d'un parcours éprouvant.
Lorsqu'on a dit cela, on n'a pas encore dit l'essentiel : ce film est une merveille à voir. Malgré son ton sombre, voire désespéré, il reste une toile magnifique, débordante de couleurs. L'utilisation de l'animation 3D est un peu vieillie, mais demeure assez mineure pour qu'on ne le remarque pas et contribue à conférer au film un souffle épique. Epique, il l'est par ses plans soulignant sans cesse le gigantisme des décors, par son histoire traversant deux continents, par ses scènes dramatiques (pensez à ce navire balloté par un dieu des mers en furie), par sa musique poignante.
"Fievel et le nouveau monde", souffre évidemment de quelques défauts : failles scénaristiques (que devient le bébé de Mousekowitz ? Pourquoi la bande de Warren ne dévore-t-elle pas Fievel une fois celui-ci capturé ?), chansons guère transcendantes, animation de temps en temps prise en faute ; et puis le ton enfantin peut agacer. Mais il reste un film extraordinaire. Le regarder peut être une épreuve, surtout pour un enfant, mais c'est aussi ce qui fait son charme, c'est ce qui fait que sa fin heureuse parait méritée. C'est surtout ce qui donne à réfléchir sur cette "cité sur la colline" qui, pour le meilleur et pour le pire, nous a tous façonnés à divers degrés.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Quelques scènes splendides et Les "fins heureuses", c'est mièvre ? Ben pas celles-là.
Créée
le 3 juil. 2024
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