Pour moi, après réflexions, le film est double selon le point de vue que l'on porte dessus :
Soit, il s'agit d'un epic fail que Gallu explique parfaitement ici : http://www.senscritique.com/film/fight-club/1141229748900872/critique/gallu/
Soit, il s'agit d'un film fort, sujet à de réelles réflexions. Son analyse : http://www.senscritique.com/film/fight-club/1141229748900872/critique/petaire/
En prenant des éléments des deux critiques ci-dessus, voilà mon avis que j'ai écrit pour un ami, donc j'en profite pour le mettre ici, mais il est impératif de lire les critiques de Gallu et de petaire.
Tout d'abord, il y a des qualités propre au film, sur lesquelles on ne va pas s'épancher, en gros : les acteurs (assez bons), les procédés narratifs (nombreux et en corrélation avec le scénario, ce qui rend homogène l'ensemble), le twist (pas en lui même, mais pour l'opportunité d'un second visionnage), des petites idées sympa (les réunions de malades). Mais ce qui est intéressant, c'est le propos.
Soit Fight Club est raté, parce qu'il se contredit : il est le symbole de la consommation de l'idéologie anti-consommation. Tyler Durden représente le fantasme contradictoire de la marchandisation de la contestation, et plus encore de la marchandisation de l'anti-marchandisation. Cela est du à l'essence symbolique de l'acte de consommer. Les objets consommés sont utilisés par les individus comme des outils de communication ou de classification pour se différencier socialement, pour se placer dans une hiérarchie statutaire.
Ainsi, la consommation n'est qu'une valeur instrumentale, au service et dans l'objectif de la différenciation. On peut donc être tout autant matérialiste en voyageant en Inde qu'en s'achetant une voiture de sport, si l'acte est motivé par le fait de se différencier socialement.
Du coup, Tyler est la personnification du matérialisme (qui certes a plus de charme qu'un PDG à rolex faisant du golfe près de sa Porsche). Ce qui implique que les propos de Tyler sont donc en contradiction profonde avec son esthétique et son rapport aux objets (qu'on peut à la limite légitimer par le fait que Tyler est le fantasme narcissique de Jack). On le voit aussi dans l'esthétique de film, qui fait parfois "pub" ou "clip".
Le discours anti-marché de Fight Club prospère au sein du marché. Le DVD de Fight Club est semblable aux t-shirts à l'effigie de Che Guevara que des gens achètent parce que c'est "cool". Il souligne l'efficacité d'un système qui parvient à faire commerce de l'illusion de sa propre critique.
Mais donc, là, moi je vois une belle matière à réflexion. Comme pour le film La Plage : objectivement, c'est un peu nul, mais les réflexions dégagées par le film sont très intéressantes, donc j'aime le film. Idem pour Into The Wild : ceux qui ne l'aiment pas ont presque tous le même argument "le perso est super égoïste, etc". On partage ou non cet avis, mais il y a matière à débat, à réflexions, et ça c'est intéressant.
D'ailleurs, les réflexions ne sont pas que celles qui font controverses dans le film. Et ce n'est pas celles qui semble les plus évidentes comme la la société de consommation (vu qu'il se contredit dessus) ou la violence (nous y viendrons), qui sont "en surface". "En profondeur", on a par contre la peur (du féminin, de l'autre), ou la construction d'une identité. Et là il y a de quoi avoir des réflexions intéressantes.
Mais, je l'ai dit au-début, Fight Club peut également être considéré comme un film con, ou plutôt pour cons. En effet, c'est l'argument le plus souvent sortit à l'encontre du film, mais malheureusement ce n'est pas faux : il y a un aspect "adolescent immature et impulsif". Mais là encore, Tyler est la prisme par lequel ce discours de destruction passe. Or, il faut changer, et non détruire. Faire évoluer et non faire tomber. C'est une pensée de rebelle de bas étage de vouloir tout faire péter. Casser pour faire évoluer les mentalités, etc, c'est autre chose hein, mélangeons pas.
D'ailleurs, Fincher et Palahniuk ont plusieurs fois dit à quel point ils étaient atterrés de voir que des mecs prenaient Tyler au sérieux et l'idolâtrait. Jack idolâtre Tyler, parce qu'il veut (voulait) être lui, mais le discours de Tyler n'a jamais été sérieux, c'est tout sauf un anarchiste (on revient à la première partie). Et cela se traduit bien à la fin du film où Tyler est rejeté car nocif. Jack s'y opposa déjà avant la fin, mais sa mort constitue clairement son rejet : il s'est forgé son identité, il a évolué, il ne veut plus de Tyler qui n'était qu'une illusion (double : illusion physique, et illusion dans le discours). Et pourtant, ce qui est rejeté c'est Tyler, et pas l'anti-conformisme ou l'anti-consommation, parce que justement, Tyler n'était pas anti-conformiste. Son discours était vide, ça faisait partie du fantasme de Jack. Voilà pourquoi les gens qui veulent être Tyler sont cons. (c'est dans ce sens que je dis "film pour cons", parce que c'est eux qui constituent la majorité des "fans").
En conclusion, j'aime Fight Club oui, mais pour toutes les réflexions qu'ils suscite et non pour sa qualité cinématographique ou son discours, pour les raisons évoquées plus faut. C'est plus clair ?