Il m'aura fallu donc attendre un troisième visionnage pour que la rage et le mépris que j'ai toujours ressentis envers "Fight Club" s'apaisent, et pour que je prenne un peu de plaisir devant ce film aussi emblématique (il semble être devenu une sorte de "phare" - pauvre de nous ! - pour toute une génération…). Il convient clairement, pour juger sereinement du film, de séparer ce qui vient de David Fincher - devenu depuis un metteur en scène qui compte, et qui touche même occasionnellement à la grandeur - et ce qui était dans le livre, que je n'ai pas encore lu, de Chuck Palahniuk. Admettons donc que la glorification crasse d'une virilité haineuse et débile, qui conduit ici tout droit à une célébration fascinée du terrorisme d'extrême droite, vient de Palahniuk, puisque rien de ces déviances politiques et mentales - si caractéristiques de l'Amérique de Trump - ne transparaît ailleurs chez Fincher, qui est devenu depuis plutôt un héraut de l'intelligence, et qui a toujours semblé plutôt admiratif devant la gente féminine forte. A Fincher, attribuons par contre l'illustration virtuose, dans l'excellente première partie du film, de la déliquescence morale que peut représenter notre mode de vie consumériste, ainsi que l'habileté de la construction du film et de son scénario (avec son fameux "twist" à la "6ème Sens" - j'avais d'ailleurs vu les deux films à leur sortie en salle le même soir...). "Fight Club" épuise malheureusement notre bonne volonté par son formalisme (façon pub, le grand mal du cinéma des années 90...) qui vise à nous "vendre" la branchitude de personnages fondamentalement méprisables… mais également par la lâcheté de sa conclusion : David Fincher, aspirant "metteur en scène de génie" métamorphosé par négligence en moraliste hardcore, n'a pas vu que la pirouette finale, qui transforme le film en drame schizophrénique intime, semble le dédouaner de ses excès idéologiques. [Critique écrite en 2016]