Il y a des films qui font de l'effet la première fois qu'on les voit et qui se dégonflent au moindre revisionnage. Fight Club au contraire gagne en puissance une fois connue "l'identité" de Tyler Durden : on décortique toutes les scènes pour analyser comment Fincher a construit le "délire paranoïaque de Jack", ses interactions avec les autres personnages... Surement la meilleure prestation d'Edward Norton, vraiment impeccable en cadre supérieur bouffé par la société de consommation et qui s'enfonce peu à peu dans l'autodestruction jusqu'à y trouver sa vraie part d'humanité. Quant à Brad Pitt, il était sur sa très bonne lancée de l'époque (12 Monkeys, Seven et peu après Snatch), inquiétant et fantômatique comme il faut. Et pour ne rien gâcher, la "patte" Fincher sur ce film a gardé toute son efficacité, là où d'autres ont pris un coup de vieux.
Et puis il y a le fond, toujours aussi perturbant et nihiliste... Tyler nous offre quelques réflexions bien senties sur nos sociétés modernes et les dépendances qu'elles ont engendrées, notre place d'être humain au milieu de tout ça... Sauf que se réponse est dans la destruction, la douleur et la peur. Comme son personnage principal, la critique/réponse n'est jamais manichéenne. La scène derrière l'épicerie est particulièrement perturbant : Tyler a "offert" à l'épicier de quoi changer sa vie mais au prix d'une terreur sadique. La fin, les moyens, tout ça quoi... Le club en lui-même est terrifiant : une obéissance aveugle, un espoir constamment alimenté et des conséquences à un niveau inimaginable. C'est fou ce qu'une poignée d'hommes déterminée est capable de réussir pour peu qu'elle croit en sa cause (l'Histoire ne compte plus les exemples de ce type).
Au delà du phénomène qu'il est devenu et à l'inverse d'un Matrix (le charme des éoliennes), Fight Club reste une des grandes réussites de la fin des années 90, aussi bien pour son fond que sa forme.