Métro, boulot, pas dodo ...
La vie monotone, ordinaire et sans saveur que nous vivons tous, est déjà suffisamment impitoyable quand on arrive à trouver le sommeil, alors vous pouvez pas savoir à quel point elle l'est encore plus quand on est incapable de dormir. On ne vit pas, on ne meurt pas non plus, on est coincé quelque part entre ombre et lumière, il n'y a que le silence, ordinaire lui aussi.
Un peu de lecture avant de se coucher, ça peut aider à s'endormir. Encore que ... laisser de côté Kafka, Céline et Baudelaire, et les remplacer par des magazines, c'est peut-être pas l'idéal. Forcément, après avoir feuilleté quelques pages, comment ne pas succomber et acheter cette magnifique lampe murale LED qui peut changer de couleur pour seulement 129,99€, merde en plus c'est les soldes, ce serait con de passer à côté. Et cette jolie table basse avec un motif Yin Yang ? Okay, j'ai déjà une table basse, mais elle est banale, en verre, et ça va faire un an que je l'ai, il est temps de changer un peu.
On a qu'une vie après tout !
Brûle tout !
Et puis il faut bien du réconfort quand on rentre du boulot. Passer une journée à examiner des voitures calcinées et des restes humains, c'est épuisant, et puis avoir un patron collant, idiot et qui porte des cravates ridicules, c'est pas de tout repos non plus.
Quitte ton taf de merde !
... Et ces réunions, alcooliques, cancéreux ... Le mensonge partout, tout le monde ment, en tout cas, tout ceux qui n'ont pas la chance d'être en stade terminal.
Planque du laxatif dans la bouffe, on va bien se marrer !
... Des appels, pourquoi vivre une vie si peu excitante, pourquoi vivre ? Les gens sont inintéressants, ils ne se préoccupent uniquement de leur petit confort, leur appart', leur compte en banque.
Tous, tout le monde ... ou peut-être pas. Des amis à usage unique, on en a des tas, mais il y en a pas deux comme Tyler Durden.
Tu l'as dis trou duc'
D'ailleurs, pourquoi des savons, c'est un peu bizarre comme ...
Ta gueule ducon, frappe-moi !
Mais ...
Bon, alors moi je te cogne
Aïe, mais merde ! Recommence !
On est la génération oubliée, on a pas eu le droit à une grande guerre, ni une grande dépression, on est né trop tard pour explorer la terre et trop tôt pour explorer l'espace. On ne meurt plus par balles, mais à cause de cancers. Quand un navire coule, on en fait pas un film, on le montre en direct à la télé, puis on oublie. Quand un avion se crashe, une catastrophe naturel se produit, ou qu'il y a un attentat quelque part dans le monde, on pleure, par automatisme, pendant une ou deux heures, puis on oublie. On oublie tout, sauf ce qui nous détruit, notre bagnole, nos fringues, notre piaule, notre fric, ça tu peux être sûr qu'on va pas les oublier. On a peur de la mort, pourtant, on boit, on se drogue, on enchaîne hamburgers sur hamburgers, on roule à 150 sans ceinture et portable à l'oreille. On veut se sentir proche de la mort, mais on a peur du danger. On sort de l'école, plein de rêves, d'espoirs, on fait comme papa et maman veulent, mais on trouve pas de travail, en tout cas, pas le boulot qu'on veut, alors on accepte d'être sous-payer pour faire un taf de merde, après on s'achète des merdes dont on a pas besoin avec de l'argent qu'on a pas, mais on garde espoir, on sait que la vie, c'est des hauts et des bas, ça va et ça vient, mais dans un coin de notre tête, la petite voix qui s'appelle Tyler Durden, elle sait que c'est que des conneries, le bonheur ne trouve pas son chemin, le bonheur, c'est un mensonge, ça n'existe pas, pas tant qu'on s'accroche à ce qui fait de nous un esclave pitoyable d'un monde à l'agonie. Un cheval, quand il se brise la jambe, on l'abat, on l'euthanasie, on abrège ses souffrances.
Pourquoi personne ne fait pareil avec ce monde dans lequel on vit ?
Le laisser mourir, mourir, puis renaître, plus beau qu'avant, plus fort qu'avant, plus chaotique aussi.
Notre monde, un phénix ? Prouvez-le ! Brûlez-le, réduisez-le en cendres !
Peut-être renaîtra-t-il, ou peut-être pas, de toutes façons, ce serait pas un mal.
On est la génération oubliée, alors faisons en sorte qu'on se souvienne de nous, qu'on se souvienne de MOI, et peut importe qui je suis, de toutes façons, ça n'a jamais eu aucune importance ...