Un homme en plein mal-être face à la société de consommation ; un ami imaginaire qui aime la castagne ; une compagne peut-être imaginaire, ou peut-être pas, ou peut-être qu'en fait si ; du savon ; une révolution de pacotille ; un règle n°1 que personne ne respecte jamais ; des coups de poings ; du sexe ; des coups de poings avec du sexe ; du sexe avec des coups de poings... Bref, pas besoin de vous faire un résumé, vous connaissez.
Qu'est-ce qui rend Fight Club si culte ? Question qui a habité l'auteur de ces lignes pendant longtemps mais pour lui, après le temps de la détestation vient celui de la résignation.
OK, Fight Club est moins mauvais que dans mon souvenir, et c'est déjà une petite victoire. C'est bien filmé, bien interprété, pas trop mal raconté, bref, c'est un film qui se regarde. Il n'empêche qu'il compile tout de même un sacré nombre de défauts rédhibitoires à mes yeux.
Cette esthétique verdâtre glauque, déjà, je déteste ces tonalités de couleurs typiques des années 2000 et heureusement abandonnée depuis. Mais elles ont fait quelques dégâts avant ça...
Ce besoin de toujours tout ramener en-dessous de la ceinture, comme si glisser des allusions à la bite à chaque coin de phrase était subversif. En fait, c'est juste aussi pathétique que dans le futur Deadpool, ni plus, ni moins.
Ce twist de petit malin qui n'a à mon avis un intérêt que très limité, et qui affecte de manière beaucoup trop grosse la suspension d'incrédulité pour que mon esprit arrive à y adhérer (comme la plupart des films se déroulant "dans la tête" du héros).
Cette voix off omniprésente, et très symptomatique, comme si le film était incapable de se faire confiance, de se détacher du roman pour épouser pleinement le format "cinéma"...
Et enfin, surtout, cette terrible ambiguïté dans le message. Je range ce film dans la même catégorie qu'un Loup de Wall Street. Oui, évidemment, c'est supposé dénoncer quelque chose, ou en tous cas, ne pas adhérer à ce qui est illustré. Seulement, il n'y a qu'à parler à un fan du film pour voir que la dénonciation n'est pas évidente aux yeux de tous...
Car il est évident que le personnage de Tyler Durden/Brad Pitt est créé pour être un genre de mâle alpha fascinant qui doit susciter une forme d'admiration de la part du spectateur. A aucun moment, je n'arrive à voir un réel second degré derrière les aphorismes débiles d'un personnage, dont la révolution, au fond, n'est jamais remise en question. Le final nihiliste qui débouche sur l'accomplissement de cette révolution voit certes la destruction physique des personnages qui y ont mené, comme s'il était impossible d'y survivre, mais Fincher n'est-il pas en train de nous dire que c'est un mal nécessaire ?
Quoiqu'il en soit, je ne m'aventurerai pas trop sur le terrain de l'analyse d'un film auquel on peut faire dire tout et son contraire. Et si je n'aime pas les oeuvres évidentes, je n'aime pas non plus celles qui s'amusent à brouiller les pistes pour que, finalement, chacun y voie ce qu'il a envie d'y voir et se conforte dans son cadre de pensée sans l'avoir préalablement remis en question.
Et pour l'instant, j'ai vraiment du mal à voir autre chose ici qu'une sorte de tract de cette extrême-gauche à la Louis Boyard qui se pose en défenseur d'un petit peuple qu'il regarde avec mépris du haut de ses 7000 euros mensuels, une glorification d'une révolution de petit-bourgeois se prenant pour un prolo moyen, un brûlot puissamment hypocrite qui fait croire qu'il souffle le chaud et le froid à gauche comme à droite pour réussir l'exploit de revêtir toutes les apparences de la subversion sans vexer une seule personne...
Car c'est là finalement le tour de force de ce film : tous ses fans (enfin, peut-être pas "tous", ne me faites pas dire ce que je ne dis pas) acclament un sommet de subversion, mais finalement, quand on cherche quelqu'un qui trouve ça réellement choquant et provocateur, il n'y a plus personne. Et si une oeuvre censément provocatrice ne choque personne, qu'en reste-t-il ?
Rien.
Un peu comme à la fin du film.
Tiens, c'est peut-être ça qui le rend brillant, finalement.