Il y a quelques années j’ai lu « Un sujet de conversation » de Sophie Simon et le témoignage de cet homme à qui l’on refusait le statut de femme m’avait profondément bouleversé. A l’époque l’état d’esprit de la société, les techniques opératoires et le milieu médical n’étaient pas prompts à ce genre d’opération. Et très peu sont allés au bout du parcours (pénible et périlleux) pour être enfin eux-mêmes.
C’est donc avec une certaine appréhension que je suis allé voir « Finding Phong », l’élément déclencheur étant l’un des membres* de Sens Critique en qui j’ai toute confiance et qui avait aimé. Les toutes premières minutes j’ai fondu en larme en voyant Phong témoigner à son journal intime numérique de toute sa détresse de ne n’être pas celle qu’il veut, des remords qu’il développe vis-à-vis de sa maman ou sa famille, de son mal être, de l’incertitude de l’opération… Une entrée en matière déchirante comme ses plaintes, comme sa douleur que l’on partage sans retenue.
Heureusement, après ces quelques scènes terribles, Phuong Thao Tran et Swann Dubus-Mallet, les réalisateurs reprennent la main sur l’image. Et c’est avec beaucoup de finesse qu’ils vont nous faire pénétrer dans l’intimité de la vie de Phong, de ses proches mais aussi d’un pays. Car nous ne sommes pas en France mais au Vietnam. Pays fermé en matière de mœurs qui a longtemps considéré les transsexuels comme esclaves sexuels ou monstre de foire. Cependant, l’ouverture récente au libéralisme du pays a permis une ouverture d’esprit au niveau étatique. Les travaux de recherche des deux réalisateurs ayant servi d’ailleurs au débat national en vue de la création d’un statut spécifique.
C’est, je pense l’une des plus grandes qualités de ce documentaire. A la fois, nous suivons Phong dans toutes les étapes de son changement de sexe, mais en même temps le côté pédagogique est omniprésent.
Profondément bienveillante, la caméra est là au moment où il le faut. Pas de voyeurisme, pas de sensationnel, pas de pruderie non plus, on découvre tout au long du doc ce qu’il faut savoir d’un point de vue humain. Même si la famille de Phong le soutient, elle tentera jusqu’au bout de le dissuader. On partage également les moments de doute, d’euphorie où le jeune homme tente de se rassurer. De ses rencontres, il comprendra également que l’opération est une chose, mais que le combat n’en est pas pour autant terminé. La corde sensible vrille, combien de fois on aimerait soulager Phong en le réconfortant. Le couple de réalisateur a bien cerné l’être, il est attachant et courageux en dépit de cette profonde mélancolie qui l’habite.
Incroyablement réaliste, la caméra dissèque un à un les problèmes. Même si les chirurgiens esthétiques ont pignon sur rue dans les grandes métropoles, il est difficile et coûteux de franchir le pas. Le regard des autres, même ceux qui se montraient les plus ouverts peut être un obstacle insurmontable car jouant avec les sentiments ou entachant le quotidien. Quant à l’opération, elle n’est pas sans risque ni contrainte non plus, Phuong Thao Tran et Swann Dubus-Mallet insistent également sur la fait da manière très crue du reste…
« Finding Phong », c’est tout cela ! Une incroyable expérience humaine dont les tombereaux de larmes ne feront jamais ternir le soleil radieux de voir à l’écran Phong se transformer d’il en elle. Et d’applaudir des deux mains cette silhouette fluette effectuer le saut de la victoire. Heureuse…