Lorsque j'ai appris que Damien Chazelle mettait en chantier un film « sur » Neil Armstrong, j'avoue avoir été surpris, pour ne pas dire déçu. Après « La La Land », plonger dans le classicisme de l' « histoire vraie », aussi intéressante soit-elle, je trouvais ça dommage. Toutefois, et sans avoir été conquis, c'était faire un bien mauvais procès au réalisateur que de craindre qu'il signerait un biopic comme les autres. D'une grande beauté, doté d'une photographie presque irréelle, « First Man » sait très vite nous plonger dans un récit ayant passionné des centaines de millions de personnes, adoptant pourtant un ton presque froid, distant pour décrire aussi bien les événements que la personnalité complexe, effacée d'Armstrong,
dévastée par la mort de sa fille peu de temps auparavant.
Ça n'empêche pas le résultat d'être résolument immersif, la reconstitution imposante et paradoxalement assez discrète des événements donnant, elle aussi, plus de personnalité à l'œuvre, comme si Chazelle voulait vraiment trouver le bon équilibre entre film grand public et intimiste. Peu de scènes vraiment spectaculaires, mais une belle mise en valeur d'Apollo 11 et, bien sûr, de l'espace, filmé majestueusement avec une dimension
quasi-métaphysique
dans la dernière ligne droite : c'est juste magnifique, tout comme la musique l'accompagnant à ce moment-là. Après, 140 minutes pour un tel sujet, difficile d'être exhaustif. D'ailleurs, j'ai trouvé le montage parfois presque brutal, zappant des mois entiers de préparation, de réflexion, ne donnant pas toujours le rendu précis de ce qu'a pu être ce voyage sur la Lune. Peut-être aurait-il fallu aussi creuser un peu les voix divergentes quant à ce projet ayant coûté « un pognon de dingue », même si le cinéaste a au moins le mérite de les évoquer, plutôt habilement d'ailleurs.
Ce n'est pas un film qui emballe, mais c'est un film inattendu, surtout dans l'univers ultra-convenu des biopics, fort de sa dimension visuelle et de son scénario évitant nombre de conventions
(la salle de contrôle presque quasi-absente, la douceur caractérisant le voyage spatial, le drapeau planté sur la Lune non montré, pour ne citer qu'eux),
sans oublier le toujours aussi séduisant Ryan Gosling, étonnamment expressif dans son peu d'expressivité, bien secondé par une Claire Foy émouvante. Une œuvre pas comme les autres pour un événement qui était loin de l'être.