Werner Herzog... cinéaste on ne peut plus complexe. J'ai un avis sur lui qui est du même tonneau. D'abord, c'est le seul cinéaste qui arrive à t'exciter, à te donner envie juste en t’expliquant la genèse de ses films. Que ce soit pour faire le remake d'un film symbole, un tournage sous hypnose ou une équipe bossant sur des eaux mortelles... Il suffit de savoir les coulisses pour avoir la curiosité piquée. Faut pas oublier qu' Herzog a connu 2 "Apocalypse Now" et a failli en connaître un autre qui aurait pu lui coûter sa propre vie ("la souffrière" - un volcan va exploser ? qu'est-ce qu'on fait ? et ben on va sur place, pardi !). Il est humainement fascinant. L'aventure est garanti avec lui. Sa folie est inspirante. Et puis, comme chacun sait, personne d'autre que lui n'a réussi à prouver à quel point Kinski était un grand comédien, qui a gâché son talent d'une manière démentielle. Il a su tirer de lui ses capacités. Mais après tous ses aspects, techniques, mise en valeur etc., que reste-t-il ? Là est la question, là est le problème... Herzog a un style narratif trop simple, ou trop théâtral, ou trop lent tout simplement. Il a un sérieux problème de surjeux pour ses situations, ou même pour la direction des acteurs. Ce qui l'intéresse, c'est la démesure, c'est d 'aller au bout de lui-même et du cinéma, mais il ne faut pas oublier non plus qu'un film, c'est avant tout une histoire bien racontée.
C'est en cela que "Fitzcarraldo" est le parfait résumé de l' œuvre cinématographique d' Herzog, et le portrait adéquat de son propre être. Les coulisses dépassent le film. Les personnages sont caricaturés (surtout le business-man, qui rigole quand il donne beaucoup d'argent, voilà voilà...). Le rôle de l'opéra dans ce film est magnifique. Kinski est hallucinant. La mise en scène est spectaculaire (seul le bateau dérivant dans une cascade est truquée, le bateau montant sur la colline a été réellement FAIT). Le scénario oscille entre les moments grandioses et les moments moyens, surtout sur la dernière partie qui frôle l'ennui. On peut penser ce qu'on veut de "Fitzcarraldo", mais on ne peut pas ne pas le respecter, ou dire que ce n'est pas du vrai cinéma. Au contraire. Ce qui fait que ce film est une des plus belles victoires du cinéma, sur le plan productif, c'est qu'il a réussi ce que peu d'autres œuvres cinématographiques ont réussis, et le seul qui soit allemand:le cinéma a battu la réalité, sur son propre terrain, la Nature.