Le mulet conditionne le grand Homme

La sortie du premier Ted a remis sur le devant de la scène ce Flash Gordon, petit nanar affreux qui s'est affublé d'une réputation de grand film; de merde, mais de grand film quand même. C'est premièrement de l'enfance qu'il représente, à présent, une égérie généreuse : généreuse par son kitsch, ses bêtises, ses folies typiques d'une époque pas encore forcément consciente qu'il vaut mieux, parfois, respecter la décence et le bon goût d'un spectateur.


Parce que le mauvais goût suinte de ce drôle de film; qu'il soit beauf (le personnage principal est un véritable débile de tout ce qu'il y a de plus primaire) ou visuel (on reviendra sur les couleurs criardes), il rapidement impossible d'y échapper, au grand désarroi d'un spectateur qui n'avait pas demandé de supplément "crise d'épilepsie".


On tente donc de lui trouver d'autres défauts, pour justifier sa réputation de bon film; parce que de mauvais nanar, il s'est changé, avec Ted 2, en oeuvre sympathique, bien que vieillissante. C'est comme si son charme évident le rendait talentueux, ou que la duologie Ted avait été produite pour relancer l'univers de Flash Gordon; parce qu'on a beau y regarder de plus près, puis d'encore plus près, de toujours plus près, il paraît difficile de lui trouver de véritables qualités.


Si je citais plus haut sa générosité comme point agréable, je commençais à aborder les couleurs qu'il nous envoie sans demi-mesure. Flash Gordon est, dès qu'il nous dévoile ses premiers effets spéciaux avec le bond dans l'autre monde,visuellement imbuvable; plus que par sa mise en scène sans personnalité, très série b, c'est à cause de sa gestion des costumes, des maquillages et des décors qu'il fait péter nos rétines.


A la limite trop désireux d'innover, de proposer un univers haut en couleur qui fasse rêver les enfants (ce qu'il devait, à n'en pas douter, réussir, l'histoire même de son footballer américain plutôt beau gosse qui se tape l'héroïne ayant inspiré, très sûrement, toute une génération de mâles baiseurs insensibles), il se classe tout seul comme un film grotesque, ridicule; doté d'un budget énorme, Mike Hodges voulait, visiblement, trop en faire avec les possibilités de l'époque.


En ce sens, un reboot pourrait être intéressant; s'il reprend à la fois ce film et le comics original derrière, avec des vrais producteurs, un véritable réalisateur dirigeant des acteurs de talent (malgré la présence désastreuse de Timothy Dalton et Max Von Sydow), Hollywood pourrait offrir un nouvel hymne à l'enfance, qui changerait des codes actuels des Disney et autres Marvel, deux maisons imbriquées en une qui dictent, actuellement, le cinéma de divertissement.


Et si les intentions d'Hodges pouvait être louable, il partait avec un matériau handicapant : si l'on oublie l'évidente volonté de copier le révolutionnaire Star Wars, partir avec de tels dialogues (le fantasque "Flash, je vous aime, mais nous n'avons que 24 heures pour sauver la Terre !") et Sam J. Johnson comme acteur principal (il reste toujours aussi inexpressif trente ans plus tard), face à l'insupportable Melody Anderson; seuls Dalton et Sydow amuseront par le n'importe quoi de leur prestation, qui tombaient si bas qu'on pouvait, à l'époque, se demander comment se relever d'un tel grotesque.


Forcément que tout cela le rend involontairement comique, appréciable parce qu'il est trop sérieux et, bien sûr, beaucoup trop mauvais. Il n'y aura qu'à voir les incrustations des vaisseaux spatiaux en plein ciel orangé, ou celles des lasers et des décors (pourtant imaginatifs) sur fond de bataille pour comprendre que Flash Gordon, à défaut d'être un film décent, demeure l'un des choix les plus judicieux pour passer une soirée bières et rires. Le voir seul, si l'on n'a pas grandi avec, est une tâche pénible.

FloBerne

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