Premier épisode de la trilogie Morrissey. Et déjà de l'épate dans les premières minutes avec un long plan, suivi d'un second long plan... de Joe Dallessandro à poil qui dort... (d'après Morrissey, une idée de Warhol pour faire parler les cinéphiles).
L'histoire : Joe se prostitue pour sa femme et son enfant et accessoirement pour payer l'avortement de la petite amie de sa femme. Pour nous intégrer à ce récit, on a droit à une discussion décousue, variant entre drôlerie et jeux puérils, le tout baignant dans une fausse nonchalance.
Car Joe part très vite travailler sur la 42e rue.Morrissey filme Joe arpentant les rues à la recherche du client. Entre deux passes, il taille le bout de gras avec un collègue débutant. Ou bien à la pause syndicale avec une copine et deux travelos. Discussions qui permettent de dépeindre dans quelles conditions les personnages ont été amenés à choisir leurs chemins. On retrouve là le credo de Morrissey : les personnages ne sont jamais victimes que d'elles même. C'est la fainéantise et l'appat du gain facile.
Pas tendre le scénar. D'autant qu'il rajoute du cynisme au personnage fermement perdu quand il rencontre un artiste pour qui il pose nu. Dans une séquence pleine d'humour, Morrissey tente d'insufler du sens à son esthétique, faisant appel aux grands noms de la sculpture grecque ou de la peinture italienne pour relier le corps de Joe à sa marchandisation dirons-nous aujourd'hui et lui donner ainsi un moyen de s'échapper. Mais Joe n'adhère en rien au discours de l'artiste. A un moment l'artiste se rend compte qu'il parle dans le vide. Le corps de Joe est vide. Joe est vide. D'ailleurs il considèrera plus tard cette activité artistique comme une passe, une bonne, parce qu'elle lui rapporte 100 dollars au lieu des 20 habituels. C'est dire que Joe est maudit. Par lui même.
La seule chose qui rattache Joe à l'humain, c'est le fait qu'il fait tout ça non pour lui mais pour sa femme et son bébé. La scène avec le bébé est d'une rare beauté. Dans la simplicité. Certains plans sont très beaux. Et fondamentaux donc. Et les tous derniers de Joe regardant dormir sa femme dans les bras de sa copine sont très émouvants. Tout ça pour ça. Par amour? Peut-être que dans ce dernier plan, Morrissey rejoint la scène du bébé et donne au personnage de Joe une étincelle positive. Celle du sacrifice amoureux. N'empêche, se prostituer par amour ou pas...
Bref, j'ai l'impression que chez Morrissey, l'apparence trash de son cinéma, le ton réellement décalé cache une vision de la vie résolumment moraliste et conservatrice. The flesh is sad.
M'enfin, je n'ai vu que deux films. J'ai hâte de voir Trash pour au moins parfaire mon opinion sur cette trilogie.
Pour le moment je préfère Heat. Je ne sais pas trop pourquoi. Sans doute parce que je l'ai vu en premier. L'attrait de la découverte. Il m'a semblé plus ramassé dans la construction. Plus abouti scénaristiquement. Et les actrices m'ont procuré plus de plaisir. Sur celui-là j'ai bien aimé la scène du bébé et celle du dessinateur et j'ai eu quelque lassitude devant les scènes extérieures par ex. les longs plans sur Joe dans la rue. Moins captivé en somme.