Fleur de Tonnerre, c’est le surnom que lui donne sa mère, mais qu’elle semble ne pas aimer. C’est Helène Jégado, l’une des sérial killer les plus meurtrières de l’histoire. On lui attribue en effet près d’une soixantaine de crimes. Cette ouvrière de la mort qui se prenait pour l’Ankou, représentation de la mort dans une légende bretonne racontée aux enfants, est incarnée avec force par Déborah François. On la trouve ici habitée, tour à tour mutique, colérique, perdue, mais surtout persuadée d’être investie d’une mission. Cette noirceur de l’acte est présente dans tout le film, on est clairement du côté de la mort, de son emprise sur la vie. Ici, la nourriture, source normalement de santé et de convivialité, devient l’enjeu de la peur, du crime, de la fin du monde. L’esthétique du film, une reconstitution du 19e siècle qui porta Hélène Jégado jusqu’à la pendaison, ressemble parfois un peu trop à une pub pour une fameuse marque de yaourts français. Quand la réalisatrice colle à la peau de son personnage, à sa rage, son désespoir, quand elle cherche à comprendre sans pardonner, elle est la meilleure. Car se transmet alors sa fascination pour un être de l’ombre qui caresse d’une main et empoisonne de l’autre. Les allers-retours entre l’enfance, les actes et la confession marchent ainsi assez bien, même si parfois on est plus dans l’illustration que dans une œuvre de cinéma pur. Cela se ressent d’autant plus que les seconds rôles sont beaucoup moins bien dessinés, voire bâclés. On s’agace ainsi de voir Benjamin Biolay enlever toute force et ambiguïté au personnage le plus énigmatique de la vie de Fleur de Tonnerre : celui qui noua une vraie relation de chair avec Hélène, lui fit perdre tous ses moyens. Il a été épargné par la jeune fille qui s’offrit en sacrifice pour cela, par le corps. Les autres seconds rôles sont à cette image, peu incarnés, souvent le jeu des acteurs n’est pas au rendez-vous.
Un tonnerre sans éclat
On est déçus de voir si peu d’ampleur dans ce qui aurait pu être une fresque, une peinture de mœurs passionnante et enlevée. Ici, les tableaux se succèdent sans véritable parti pris. Le temps semble alors très long. Dommage car on sent tout l’enjeu qu’y avait mis une réalisatrice dont le premier court métrage évoquait déjà une femme empoisonneuse. Quelque chose du mystère ici s’efface un peu. D’autant qu’on regrette le regard ou plutôt la plume plus cinglante posée par Jean Teulé (dont Stéphanie Pillonca adapte le roman) sur cette fleur bretonne, née du tonnerre, de la terre, ayant vécu dans le manque, l’envie de contenir ses peurs. Rien donc du vrai tourment intérieur de la tueuse, à part quelques scènes très belles, au profit de séquences trop illustratives. Hélène Jégado se voulait plus forte que la mort, et elle le fût certainement, sa seule faiblesse finalement, c’était la vie, pour laquelle elle n’a jamais vraiment su se battre. Celui qui l’a finalement confondue devait être un adversaire de taille, mais qui avait déjà gagné d’avance. Elle qui voulait juste être aimée sera finalement privée de regard sur le monde, tête tranchée, visage d’ange et mains mortelles séparés à jamais.