Fleur de tonnerre diffuse une ambiance malsaine dans laquelle se perdent les hommes et les femmes : brumes et brouillards enveloppent une construction dramatique elliptique qui traduit dans le langage du cinéma les égarements de l’héroïne. Au-delà de donner vie à la célèbre empoisonneuse, Stéphanie Pillonca ravive un ensemble de croyances tantôt licites tantôt interdites qui dictent les comportements humains dans l’autarcie bretonne : Hélène communie avec l’idée que le Mal prend ses racines dans la terre qui l’a enfantée et subit sa malédiction telle une élection paradoxale, aussi élévatrice que destructrice. Elle vient accomplir une volonté supérieure qui écrase la jeune femme de la même manière que sa société l’écrase : dans ces familles où l’amour semble absent, elle coupe court à la vie de toute façon spectrale des foyers qu’elle traverse. Seul l’homme romantique lui résistera, dans la mesure où celui-ci porte une charge amoureuse et, au-delà, vitale qui s’établit en versant opposé et lumineux de l’empoisonneuse. La démarche adoptée par la réalisatrice, à savoir refuser toute grandiloquence et laisser la place aux lieux, aux gens, au mystère, détonne avec les productions historiques actuelles et offre ainsi une plongée dans la réalité, dans la quotidienneté du Mal. En dépit de quelques longueurs et d’une tendance à l’éclatement temporel fonctionnant davantage comme automatisme que comme élément dramatique, Fleur de tonnerre affirme un style, une patte, une vision d’Hélène Jégado et surtout de la femme dans la Bretagne du milieu du XIXe siècle. Ce qui s’avère suffisamment original et honnête pour convaincre.