Fleur pâle
7.2
Fleur pâle

Film de Masahiro Shinoda (1964)

Fleur pâle est l'un des films emblématiques de la Nouvelle vague japonaise. Ce mouvement, qui s'inspire explicitement de la Nouvelle vague française, n'a pourtant pas grand chose à voir avec cette dernière : il s'agit surtout d'une campagne marketing des studios japonais… qui a tout de même accouché de très bons films comme celui-ci.

Les références à la Nouvelle vague et à la France en général sont nombreuses (rien que la voiture conduite par la jeune fille adepte des jeux de paris est une Renault, oui oui). Et dans cette relation amoureuse et bancale autour du monde de la délinquance, on voit beaucoup d'A bout de souffle de Godard, même si heureusement les histoires sont bien différentes. Surtout, le film est onirique à souhait, et il m'a fait beaucoup penser à In the mood for love. Le personnage principal (joué par Ryô Ikebe, qui était déjà excellent dans Printemps précoce, film sous-côté de Yasujiro Ozu), un yakuza fraichement sorti de prison et qui est presque heureux d'y retourner, semble planer au-dessus d'un monde qu'il ne comprend plus. Seule elle, cette jeune fille mystérieuse rencontrée au hasard, l'ancre dans la vie réelle, alors même qu'elle semble tout droit sortie d'un rêve. Seule elle, avec son visage enfantin qui cache une dangerosité plus grande que lui, le fait sentir vivant. Il ne montre aucune émotion avec les autres femmes, ni avec ses camarades yakuzas, ni lorsqu'il échappe de peu à une tentative d'assassinat qu'on ne sait si elle est réelle ou imaginée, ni lorsqu'elle se lance dans une course-poursuite en pleine nuit à 150 kilomètres à l'heure (en français dans le film). Il fait tout pour qu'elle reste un rêve, en alternant entre la fuite et la recherche effrénée de son corps, en refusant d'apprendre quoi que ce soit sur elle, en cachant sa jalousie, en refusant même de jouir d'elle. Tout cela aurait brisé ce rêve, alors il ne reste que spectateur.

Et c'est exactement l'impression qu'il reste après le visionnage de ce film bizarrement contemplatif et qui se digère peu à peu, une sorte de rêve éveillé fait de sensations à peine perceptibles, un parfum enivrant de mystère, une voix aussi douce que dangereuse, un faible éclat de lumière au milieu d'un monde qui s'effondre - une fleur pâle en pleine nuit.

Samji
8
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le 1 juin 2024

Critique lue 20 fois

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