Après trois films abordant d'autres aspects de la complexité des relations familiales (Voyage à Tokyo, Printemps précoce, Crépuscule à Tokyo), Ozu revient à son sujet de prédilection : le mariage des filles. Dans Fleurs d'équinoxe, le père a un caractère bien incohérent. Lorsqu'il s'agit des filles des autres, il fait preuve d'ouverture d'esprit ; lorsqu'il s'agit de la sienne, il souhaite un mariage arrangé et rien d'autre qu'il ne peut contrôler. L'incohérence de surface s'explique peu à peu, puisque rien n'est pareil quand il s'agit de ses propres enfants. Le conflit qu'il vit intérieurement est sans doute à l'image de celui que le Japon des classes moyennes vivait à cette époque : la conscience que les mariages arrangés sont d'un autre temps et qu'ils sont voués à disparaître, la volonté de faire perdurer une tradition qui a fait ses preuves durant des siècles.
Pour son premier film en couleur, Ozu ne s'est pas raté : les plans, les décors et costumes sont toujours aussi sublimes. On sait combien l'esthétique est cruciale pour lui, alors le passage du noir et blanc à la couleur n'était pas une mince affaire. Pourtant, il n'a pas bougé d'un iota sa façon de faire : des plans toujours fixes, la caméra à hauteur de sol, les acteurs qui parlent presque face caméra, et des scènes de transition d'intérieur ou de paysage toujours poétiques.