Un polar ultra sombre et glauque qui transcende sa banalité par une interprétation hallucinée.

Erick Zonca est un réalisateur plus que rare sur les écrans de cinéma. Trois films en vingt ans... On l’appellerait le Terence Malick français que ce ne serait pas galvaudé ! Le voici donc plus de dix après le très beau « Julia » et vingt ans après son palmé et césarisé « La Vie rêvée des anges » avec l’adaptation d’un roman policier israëlien. Au vu de la filmographie du cinéaste, qui compte également le moyen-métrage « Le petit voleur » et pas mal de téléfilms, ce choix peut paraître étonnant. On y suit l’enquête d’un commissaire de police désabusé sur la disparition d’un adolescent et ses investigations parmi le voisinage. Rien que du très classique à priori donc, juste de la matière à un banal roman de gare même. Mais, dans « Fleuve noir », il faut aller chercher notre plaisir ailleurs, creuser derrière les apparences et fouiller le tourment des personnages, tous noyés dans une œuvre aux atours très glauques.


On a l’impression que l’ensemble des protagonistes de ce film sont fous, dérangés ou à côté de la plaque. Et les acteurs qu’a choisi Zonca pour les incarner donnent de la chair et du corps à ces silhouettes malades qui pourrissent l’écran dans un dégradé de gris tout aussi macabre que ceux qui l’habitent. Difficile de savoir si c’est un fait exprès, mais le jeu des acteurs semble outré, forcé et parfois même à la limite de la surchauffe et de la caricature. La palme revient au duo star composé de Vincent Cassel (qui remplace Gérard Depardieu au pied levé) et Romain Duris. Ils sont dans l’excès de ce que permet de tels rôles. Ils vampirisent l’écran. Le premier compose un flic qui coche toutes les cases des clichés inhérents à ce métier dans les polars (divorcé, alcoolique, imperméable beige, …) et accouche d’un monstre de personnage dont on ne sait pas s’il faut en rire ou en avoir peur. Idem pour le second dans une incarnation de professeur de français pas clair dont les mimiques synthétisent celles de pas mal de psychopathes croisés sur grand écran. Ils forment un duo excessif mais leur talent d’acteur fait passer la pilule et l’impression qu’ils ne sont pas (ou mal) dirigés se transforme peu à peu en qualité pour une œuvre bancale mais prenante. Quant à Sandrine Kiberlain, elle promène sa silhouette fantomatique jusqu’à un dénouement où elle laisse apparaître son côté malsain. Les acteurs auraient pu être le point faible du film et ils en deviennent le point fort comme par magie.


« Fleuve noir » souffre cependant de redondances qui altèrent la passion que l’on pourrait développer à suivre cette enquête ténébreuse. Les scènes d’interrogatoires entre les différents protagonistes s’enchaînent et semble parfois trop se ressembler. Pourtant pas vraiment de longueurs, juste des répétitions. Le point noir principal reste dans l’enfilade de clichés citées plus haut au niveau des personnages mais également dans l’ambiance sombre, pluvieuse et glauque. Si le rendu est plutôt réussi, on a déjà vu cela cent fois ailleurs et souvent en mieux. On apprécie en revanche les retournements de situation de la seconde partie. Ils sont nombreux, parfois un peu tirés par les cheveux, mais toujours appréciables pour qui aime à être surpris au cinéma. Et ils finissent s’asseoir ce long-métrage comme une œuvre poisseuse, nihiliste et peu amène. Un polar français pas comme les autres finalement qui renverse la première impression qu’on peut en avoir et qui dénote dans la programmation estivale.


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JorikVesperhaven
7

Créée

le 20 juil. 2018

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Rémy Fiers

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