Difficile d'écrire sur le dernier Zemeckis, tant les réactions et les envies que l'on peut éprouver à la sortie de la séance sont contradictoires.
Il y a tout d'abord le retour au cinéma "traditionnel" d'un cinéaste attachant, dont la filmographie en prise de vue réelle est inégale et qui a toujours manifesté un goût pour l'expérimentation technologique, l'hybridation avec l'animation. Le chef d'oeuvre de Zemeckis reste indubitablement Qui veut la peau de Roger Rabbit, et la décennie 2000 a été une sorte de long purgatoire pour lui comme pour ses fans - force est d'admettre que ses 3 films en motion capture sont peu réussis et aujourd'hui datés.
Il y a ensuite le retour en force de Denzel Washington dans un rôle de premier plan qui lui fait honneur, certes très actor studio mais incarné avec une vraie implication et un professionnalisme certain.
La première demi-heure du film est incroyable. Une séquence d'ouverture iconoclaste, qui fait du bien, une BO qui dévoile des sacrés morceaux (les Stones, Bill Withers, Marvin Gaye, etc.), une scène monumentale de crash (j'ai peur en avion et j'ai cru décéder sur place tellement j'étais impressionné), et quelques séquences truculentes après ça. Une ouverture absolument grandiose, marquante. Mais le film se délite ensuite dans un rythme un peu plus plan plan, où l'on suit la névrose et la solitude de cet homme.
Le point de départ est donc intéressant : les fléaux sociaux de l'Amérique puritaine ne sont pas présentés uniquement comme des torts, mais comme des "actes de Dieu" remettant en question à la fois les fondements de la société américaine (la foi, le puritanisme) et l'adhésion supposée du spectateur à un personnage pourtant normalement antipathique. Mais plutôt que de poursuivre dans la voie junkie et canaille du film, Zemeckis se dilue peu à peu et renverse son postulat : la dernière partie du film, navrante, sombre dans la bondieuserie, la rédemption, l'expiation d'un fléau social en tant que péché individuel, et on se coltine une horrible scène de A.A en prison en mode "héros qui rentre dans le rang". C’est bien dommage.
Notons parmi d'autres atouts, la présence de Kelly Reilly, excellente, ou de John Goodman, qui semble condamné à apparaître avec une chanson des Stones dans les oreilles (y a pire). Difficile donc de noter et de critiquer un film qui en 2h30 passe d'un stade à son total inverse, semblant renier la direction qu'il faisait mine de prendre. Pour une fois qu'un film américain "mainstream"cassait un peu du standard et du bien pensant, c'est raté. Enfin, j'apprécie la relative sobriété du film qui ne cède que rarement aux effets faciles et voyants dont Zemeckis est un peu le spécialiste.
A voir pour la première demi-heure et l'interprétation du haut vol.