Esquisses d’esquif
L’inondation qui ouvre Flow et met à l’épreuve son protagoniste, un chat condamné à affronter sa peur de l’eau, métaphorise à merveille le dispositif mis en place par Gints Zilbalodis : du passé...
le 31 oct. 2024
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1h25 d'un conte de fées post-apocalyptique. Intelligent et réfléchi, où la présence humaine ne semble être qu'un lointain souvenir.
On suit alors ce chat, qui nous observe aussi, de ses deux lanternes aux yeux d'or, à travers cette sublime nature.
Quand soudain, le souffle du vent pousse une horde d'animaux terrifiées, projetée en tornade que rien n'arrête. Lui hurlant l'annonce d'un danger imminent.
Un instinct où se mêlent doutes et frayeur. Fuyant tous ces méchants molosses. Préférant retrouver son sanctuaire, le doux cocon de l'artiste, une poésie perdue, près de son royaume. Des souvenirs qu'il ne veut pas partager.
Et pourtant, c'est l'instant où il comprend que tout est fini : sa vie, et le plaisir d'être seul aussi. L'onde montante prête à l'ensevelir. Son désespoir, tel un miaulement sans écho. Unique choix possible, et néanmoins révolutionnaire pour un chat : tendre la patte vers l'inconnu, s'embarquer pour un voyage à travers ces paysages, aux côtés de ce chien qui aime jouer à la baballe, d'un lémurien un peu voleur, de ce serpentaire, qui tient la barre fièrement, et ce capybara dormeur et gros mangeur.
Dans ce bateau de fortune, plutôt exotique, entre inquiétude et amusement, notre chat ne dort plus que d'un seul œil.
Une aventure qui débute et qui ouvre à tous les horizons, des plus merveilleux aux plus effrayants, avec une lumière si transparente qu'on croirait venue d'ailleurs. La fusion des couleurs qui caressent l'eau et le ciel, dans une danse légère qui tourne et s'entrelace, pour ne plus toucher terre. Cœur central du film, symbole de vie, et instrument de mort.
Des ballets aquatiques, aux petits poissons qui glissent. Une histoire qui se raconte, et se contemple à l'image de ces villes mystérieuses, transformées en musée submergé par ces vagues qui se déploient, comme des pinceaux sur le tableau du monde. Bientôt engloutis, les derniers sons disparaissent, emportés par la douce violence d'une tempête. L'harmonie d'un océan qui semble reprendre ses droits.
Le beau film d'animation de Gints Zilbalodis n'est pas qu'une lutte contre les éléments extérieurs, mais aussi une exploration des éléments intérieurs.
Cette frontière impossible qui les sépare, et qu'ils tentent de traverser difficilement, sous le poids d'une catastrophe inévitable. L'expression d'un déluge qui arrive, signe universel de destruction et de renaissance, qui ouvre les portes à quelque chose de plus global, qui n'est pas propre qu'à l'espèce humaine. Une forme d'humanité, cette part invisible en eux, qui apprend à partager, se protéger, aimer et pardonner. Lorsque l'enjeu est la survie, et qu'il suffit de ressentir pour se comprendre, sans même savoir parler.
Une leçon qu'ils ont comprise. Une force qui leur enseigne que l'autre est un espoir. La solitude, une voie sans destinée. Ensemble, s'unir malgré les défis, tirer parti des différences entre les individus, les cultures, les animaux, l'émergence d'une forme d'intelligence : celle de reconnaître l'autre, malgré les distances qui discriminent.
Ainsi, ce miroir dans l'eau ne reflétera plus jamais de la même manière. La source qui coule à présent sera toujours bien plus belle.
Créée
le 20 oct. 2024
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