Auréolé de ses quatre récompense au dernier festival d’animation d’Annecy et bénéficiant d’une esthétique griffée, Flow le chat qui n’avait plus peur de l’eau avait tout pour m’attirer dans une salle obscure.
Il y a ici une envie de cinéma affichée. Aucun dialogue, une épure dans la mise en scène qui lie les plans séquence entre eux. Flow, moins le nom d’un chat qu’une vision du cinéma. Fluide. Gints Zilbalodis revient à l’essence du neuvième art : le mouvement. Sa caméra, éthérée, suit les animaux et les éléments dans un cadre dont on oublie rapidement les contours. Cet effet de suspension du filmage épouse à merveille ce monde immergé et nous plonge littéralement dans cet univers. S’il y a du Miyazaki dans le merveilleux qui suinte de l’aspect artistique, c’est du côte d’Alfonso Cuarón qu’il faut s’orienter pour deviner les influences de mise en scène. Le choix d’une animation 3d prend ici toute son ampleur par le jeu des échelles et le dynamisme de certaines séquences. Tout est fait pour ressentir plutôt que réfléchir. L’absence totale de dialogue allié à ce monde déserté par les humains propulse nos émotions. On s’identifie alors à des animaux non pas pour ce qu’ils sont mais pour ce qu’ils font. Ce sont leurs actes qui les définissent au sein de la communauté et non leur ethnie, leur origine.
Si le vent souffle, la pluie s’abat et le niveau de l’eau monte, c’est pour mieux éprouver les liens. Les liens qui unissent. Et plus la corde contient de brins, plus elle est solide. Flow et ses compagnons vont l’apprendre de façon empirique. Tel Ulysse ou Aragorn, Jason ou Thorin, Flow apprendra à faire confiance. Prendre la barre pour donner la direction ou laisser à d’autres le soin de le faire. Le film adresse un message de fraternité où il n’y a pas de notion de hiérarchie. C’est le bien commun qui prime et les décisions sont soumises à l’avis général. A l’instar de la ferme des animaux de Orwell, on a pas fait mieux que les animaux pour éduquer et instruire les humains. Les limites de cette animation au budget que l’on devine très lointain de celui boursoufflé d’un Pixney n’entravent en rien les émotions transmises. Au détour d’un regard, d’un mouvement de tête, de plume qui se hérissent, d’un feulement, d’un souffle… Cet art de l’épure évite d’être parasité par un trop plein, devenu la norme dans les œuvres mainstream. Il n’est pas rare pendant les 84 minutes du film de laisser échapper un rire, d’avoir soudainement quelques difficultés à déglutir ou de se retrouver avec les yeux plus humides qu’à l’accoutumée. Loin des discours moralisateurs et niais des superprods étasuniennes, Flow apparaît dans toute sa simplicité, extension de son honnêteté et de son humilité.
Certes, on pourrait pester contre cette simplicité apparente, autant technique que narrative. Mais la force de l’œuvre est de s’adresser avec nuances à nos émotions et à notre intellect, refusant l’écueil d’un didactisme trop dictatique. Flow et un film sur la solidarité, la tolérance, les préjugés et le dépassement de soi. Un film, où de grands oiseaux blancs et purs refusent d’apporter leur aide à un petits chat noir apeuré et où l’acte de soutien à l’autre est synonyme de châtiment et de bannissement. Peut-on faire plus contemporain ? Peut-on faire plus humain ? Chacune verra ce qu’elle veut voir mais qu’importe, elle en sortira grandie.