Esquisses d’esquif
L’inondation qui ouvre Flow et met à l’épreuve son protagoniste, un chat condamné à affronter sa peur de l’eau, métaphorise à merveille le dispositif mis en place par Gints Zilbalodis : du passé...
le 31 oct. 2024
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Sur une planète post apocalyptique étrangement idyllique, sans nom ni âge, où la nature a repris ses droits et l'humanité est réduite aux ruines de sa grandeur, de ses créations artistiques et architecturales éphémères et à de simples artefacts judicieusement symboliques, quelques animaux survivent à un déluge aquatique en trouvant refuge sur une embarcation de fortune. Dans cette arche de Noé inversée (ce sont ici les animaux qui se sauvent eux-mêmes) s'organise une petite société où la crainte de la différence laisse rapidement place à une nécessaire solidarité face à la brutalité des éléments. Cette micro-organisation est régie par un principe simple : les atouts et forces des uns compensent les lacunes et peurs des autres, et chaque animal incarne alors une personnalité atypique, presque un persona, dont on s'amusera à retrouver les touchantes caractéristiques (du capybara fainéant au lémurien vénal en passant par le labrador naïf et joueur).
D'un simple mais admirable récit initiatique où nos héros affronteront leurs peurs pour se voir grandir et devenir meilleurs, Flow se distingue par la puissance de ses images, la force extraordinaire de son animation qui provoquera d'innombrables frissons, ses couleurs, ses effets, son immersion au ras du sol et ses plans séquences renversants.
En faisant se croiser des univers qu'il convoque dans un même élan, Gints Zilbalodis, en homme orchestre sorti de nulle part mais que le monde regarde désormais de prêt, nous immerge tant dans les ruines de temples indonésiens que dans les monts tibétains, tant dans les forêts continentales peuplées de huttes tout droit issues de contes nordiques que dans les paysages poétiques et morbides d'Hubert Robert.
Flow transcende alors ses thèmes et l'aventure qu'il propose pour se muer en une œuvre philosophique d'une universalité rare tant, sans mot, elle parle mieux à quiconque de la vie, de ses étapes, de ses évolutions, matérialisée par ce flot continu inarrêtable qui entraîne tout et tous sur son passage. Cette pulsion de vie toute schopenhaurienne, cette force continue de la nature, de ses instincts, de l'imaginaire qu'elle entretient, a quelque chose de terrassant puisqu'elle constitue en creux le fond même de l'humanité qui découvre sa propre identité.
Et sous la forme d'une fable écologique et d'un voyage mystique semé d'aventures (que ne renieraient ni le Tarkovski de Stalker ni le Miyazaki du Garçon et le Héron) le tout enrobé d'une bande originale centrale sublime, il se dessine tout simplement là, sous nos yeux bouleversés, quelque chose de la vie comme une harmonie et d'un espoir abîmé face à l'inévitable apocalypse.
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il y a 3 jours
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