Synopsis : Le faux comte Karamzin est un Don Juan qui vit d'escroqueries à Monte-Carlo, où il semble avoir dû s'exiler avec deux fausses princesses prétendument russes. Cet homme et ses deux complices féminines sont recherchés par la police pour usage de faux bons aux porteurs et organisation de casino clandestins. Ce comte imposteur tente néanmoins, avec l'aide de ses deux fausses cousines, de s'infiltrer dans la haute société sans en avoir vraiment les codes, qu'il mime cependant à la perfection par des gestes de courtoisie ou en feignant d'avoir de l'honneur. L'unique but du trio est de pouvoir s'emparer frauduleusement de sommes conséquentes, que ce soit auprès d'hommes influents ou de femmes trop crédules ou notoirement romantiques pour ne pas succomber à la tentation. Cet homme sans scrupules séduit, vole et trompe toute proie docile qui se trouve sur son passage : la femme de l'ambassadeur américain, sa propre femme de chambre et même la fille mentalement dérangée de son faux monnayeur. Mais la chance finit par tourner le dos au trio.
En 1923, le rigide prussien d'origine autrichienne, Erich Von Stroheim, propose un film totalement à l'encontre des courants qui sévissent à l'époque. Immigré aux U.S.A. pour une carrière de comédien et de réalisateur, il détourne toutes les règles que lui imposent les studios. Il dépasse la durée de tournage de plusieurs mois, filme sur des dizaines de bobines et souhaite un film d'une petite dizaine d'heures (charcuté en 2h20 par Irving Thalberg, le directeur du studio de production de l'époque).
Sa vigueur et son sens du perfectionnisme mèneront à mal ses comédiens qui le traiteront comme un dictateur. Mais on remarquera dans le cadre des détails fourmillant de part et d'autres et une composition de cadre sans reproche - ou presque. Sur la durée prévue du film, on constate des valeurs de plans d'une même séquence pullulant la scène (plan large, gros plan, plan poitrine, etc.).
Mais là où le film se détache de tous ses homologues, c'est par ses personnages. Le héros est un arnaqueur, sinistre, manipulateur ne voulant que l'argent et le sexe : un antihéros sublime. Et le pire, c'est l'attachement de ces personnages malsains qui sont dépeint à l'encontre des victimes, naïves et ternes dans le film. Von Stroheim va décrire une société corrompue, mal vue avec des américains naïfs se faisant plumer ; une vision mal vue par les américains qui ne porteront pas l'oeuvre de Von Stroheim dans leurs coeurs.
Bien que le film comporte des qualités, le scénario bancal et certaines scènes tirées en longueurs donnent un goût amer à l'oeuvre de Von Stroheim qui ne signera pas le meilleur film de sa carrière avec Folies de femme. Le grand intérêt du film est, principalement, de comparer les tendances entre les films d'une même époque et de voir les directions prises par leurs réalisateurs. Dans ce cas, Von Stroheim s'isole totalement de ses contemporains, mêlant à la fois la grandeur américaine à ses intentions européennes ; ce qui mènera à toute sa filmographie, atypique et grandiose.