Il Food le voir pour le croire

On sent dans ce documentaire un savoir faire de persuasion évident. Peut être un peu trop. La réalisation est au top, et la succession d'images chocs ou de révélations fracassantes se succèdent en permanence. Ce documentaire garde donc d'un bout à l'autre un ton poignant, et marque d'autant plus que se profilent insidieusement les accords Transatlantiques sur les bureaux de nos chers députés Européens.
Je précise avant toute chose que j'adhère à la thèse de cette gigantesque escroquerie alimentaire, car j'ai déjà vu d'autres documentaires sur le sujet, et lu d'autres articles pour m'estimer suffisamment informé sur le sujet.

Ceci étant dit, premier constat: on rentre vite dans le vif du sujet.
L'industrie Agro-alimentaire est rapidement malmenée et montrée du doigt avec ce qu'il faut de témoignages et même quelques documents d'archives.
Les faits sont clairs, les images percutantes, et on découvre même en bout de course d'anciens "idéalistes" investis dans le Bio (Organic en Ricain) s'alliant avec leurs anciens ennemis, preuve que les mentalités changent et que l'industrie s'adapte.
On tape un peu sur tout le monde: les agriculteurs qui ferment les yeux par défaitisme, les Lobbyistes, les politiques, mais surtout les multinationales, diabolisées pour l'occasion autour d'un corporatisme à toute épreuve.
Pourtant je reste un peu dubitatif sur ce documentaire. Tout y est très bien ficelé, mais plusieurs choses me gênent, à commencer par le martèlement de l'image. C'est un véritable rouleau compresseur pour votre cerveau, tellement la mise en scène est efficace. Et j'estime que c'est un problème en soi.
Du ton provocateur de la narration aux agriculteurs broyés par la machine Monsanto, en passant par la mère digne dans la douleur face à la perte de son fils emporté par un Escherischia Coli, (ensuite devenue Lobbyiste) ou encore les accords entre les firmes qui emploient des travailleurs clandestins Mexicains et qui ont conclu des accords avec les autorités pour que ce soient ces mêmes travailleurs qui trinquent en cas de contrôle, tout y passe. C'est un véritable scénario de SF, à ceci près que c'est bien réel.
Malheureusement la forme utilisée ici est un peu perverse, car ce sont très souvent toutes les exagérations et la démesure Américaine que l'on retrouve au détriment de l'information en elle même. La gravité de l'image pâtit face à une certaine redondance ou à la sobriété de certains témoignages. Un peu plus de distance aurait été la bienvenue, d'autant que certaines sources me paraissent un peu bancales et que d'autres sont éludées un peu vite à mon goût.
On évoque largement, dans le cas de Monsanto, une domination sans compromis du marché des semences transgéniques, et surtout son ombre menaçante planant sur la tête des agriculteurs. Monsanto irait jusqu'à ruiner des producteurs locaux pour utilisation illégales de leurs brevets alors que leurs champs sans OGM sont à proximité de champs avec OGM. Pour l'exemple, donc. Si l'exemple ne dénote pas de cynisme, on diabolise surtout en long et en large le producteur d'OGM durant la séquence, ce que j'estime à double tranchant. On n'évoque que trop rapidement le fait que l'état Américain s'est désengagé de la production de graines et de son contrôle, avec la redondance d'anciens Lobbyistes dans les administrations Bush et Clinton notamment. Appuyer plus sur ce fait aurait permis une plus grande crédibilité de l'affaire, surtout quand on insiste sur l'opacité régnant sur le sujet.
Il n'y a par ailleurs aucun témoignage d'anciens universitaires pouvant valider ou invalider cette thèse, à l'époque où les universités développaient et contrôlaient les semences. Une piste pourtant évoquée au demeurant.
Les plus tatillons évoqueront sans doute que les procès abusifs pour diffamations sont légions au USA dès que l'on touche à l'industrie du Boeuf ou des semences transgéniques, comme Oprah Winfrey en a fait les frais. (plus d'un million de dollars de frais d'avocats, et une victoire à l'arrachée)
Pourtant quelques voix s'élèvent dans le reportage. Il y a donc des cases manquantes.
Exprès ou pas ? Voilà la question que je me pose.

Alors d'un autre côté, oui, l'information est là. On vous explique les méthodes de production et le règne de la terreur imposé par ces quelques multinationales qui se partagent 80% du marché de la viande Us (voir mondiale) ou encore la quasi totalité du marché des semences. On vous explique également d'un point de vue historique la montée en puissance de ces firmes, suite à l'avènement du fast food et de l'industrialisation.
On vous explique enfin les subventions et le risque pour la santé de manger constamment sucré. (Obésité, impressionnante augmentation de la part des diabètes graves dans la population US)
Oui, cette information est là.

Mais je n'y trouve pas l'objectivité et le recul nécessaire d'un bon article d'investigation, ni les sources suffisamment sitées pour éviter d'avoir un doute. C'est l'arroseur arrosé: Chaque information de départ est présentée très succinctement avant de s'étaler sur une foule d'images chocs et de témoignages accablants. Je n'ai donc jamais pu me détacher d'un arrière goût de manipulation.
Pourtant je le redis, je suis convaincu par la thèse elle-même d'une industrie Agroalimentaire répugnante, et d'autant plus qu'elle est adepte du Lobbying ou qu'elle ne prend la peine de se défendre qu'à coup de procès retentissants. Il y a bien ce côté répugnant dans cette communication à sens unique, et toujours à l'encontre du consommateur. Il ne faut pas être bien malin pour se rendre compte de la piètre qualité de notre alimentation moderne, ni que quelque chose ne tourne pas rond dans notre assiette. Pourtant les alternatives existent et le documentaire en évoque une ou deux, mais encore une fois pour montrer une alliance ambigüe entre rentabilité et pouvoir de l'argent.
Quelque chose me dérange donc sur la forme de ce documentaire.
En plus tous les gros clichés US qui tâchent répondent présent à l'appel, jusque dans le générique de fin qui vous invite à "prier" pour une meilleure nourriture et sa meilleure répartition sur le globe.
On s'adresse à un public Américain moyen, je suis d'accord, mais quand même... Certaine scènes sont un peu abrutissantes.

Concrètement, je reproche donc à ce documentaire une trop grande mise en scène, avec un côté larmoyant et manipulateur qui m'agace profondément; malgré une information présente en quantité. C'est dommage car le sujet est inquiétant en soi, mais pas de panique, y'a TF1 et BFM.
amjj88
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le 18 janv. 2015

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amjj88

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