Voici le genre de série B que j'adore en western, un film à la durée courte comme c'était courant dans ces années 50, qui parvient en 77 mn à vous divertir avec des péripéties remuantes, une psychologie des personnages pas trop sommaire, des paysages grandioses de rochers et de mesa superbement photographiés, et à poser avec une certaine objectivité le problème de la vengeance.
Cette vengeance a ôté tout sens moral au sergent Vinson incarné par Joël McCrea, générant le drame de ces soldats qui sont méfiants autant des Apaches qui les épient et les harcèlent que de celui qui les commande et les oblige à errer dans ces montagnes. Rarement, l'attente de la mort et de la peur qui en découle n'a été montrée avec autant de brio dans un western, le réalisateur installant un climat oppressant et tendu qui sert bien cette histoire d'une poignée de soldats traqués.
Joseph M. Newman n'est pas John Ford ou Anthony Mann, mais ce fut un excellent artisan de westerns de série ; on lui doit surtout dans le domaine du western la Dernière flèche, le Sherif aux mains rouges (encore avec McCrea), et Tonnerre Apache qui reprenait un thème assez proche de Fort Massacre, et dans d'autres genres le Cirque fantastique (avec des numéros de cirque spectaculaires) et surtout les Survivants de l'infini, un classique de la SF célèbre pour ses affreux mutants. Je considère que Fort Massacre est probablement son meilleur film, où il dépeint la violence avec un réalisme assez rare dans le western des années 50.
De plus, le film est bien servi par de bons acteurs, McCrea fait une composition étonnante d'un sergent borné et torturé, alors qu'à l'époque, il n'incarnait que des héros purs ; le coup des montres ramassées sur les cadavres des soldats morts a quelque chose d'étrange, il les remonte sans cesse, elle finissent par raisonner comme une sorte de glas qui sonne pour ces hommes pris au piège dans un décor de vieux fort troglodytique (qui ressemble à celui réel de Mesa Verde dans le Colorado). McCrea est bien secondé par d'excellents seconds rôles comme John Russell, Forrest Tucker, Anthony Caruso et Denver Pyle. Pour tous ces éléments et ces idées surprenantes, ce western mérite d'échapper à l'anonymat des westerns de série B.