Le western "Fort Massacre" raconte l'histoire d'un petit groupe de cavaliers survivants d'une attaque sévère des Apaches puisque les officiers et une grande partie de la patrouille ont été éliminés. Le plus haut gradé restant est un sergent qui au lieu de retourner au plus vite vers la garnison et quitter le territoire Apache hostile, va au contraire rechercher les apaches pour se venger en faisant prendre un risque maximal à ses hommes.
C'est un film sans concession qu'a réalisé Joseph Newman en 1958, très sombre, où il n' y a qu'une longue désespérance des hommes conscients que le sergent les mène à la mort. Ils sont conscients, rouspètent et mettent en cause le sergent explicitement mais, à la fin, obéissent aux ordres. Les dialogues sont lapidaires, laconiques, durs. Pas un mot de trop.
La réalisation de Newman est superbe dans son utilisation du scope pour voir lentement et régulièrement défiler la colonne harassée par la fatigue des combats, la chaleur et la soif dans les paysages désertiques du Nouveau Mexique. Le ton est donné par les premiers plans où les cavaliers passent derrière un rocher ocre en forme d'oiseau de proie de sinistre augure. L'utilisation du vieux fort troglodyte dans la mise en scène est une bonne idée.
Le personnage central du sergent Vinson est joué par un Joel McCrea, décidément excellent acteur (vu récemment dans le Buffalo Bill de Wellman). Ici il campe un personnage très complexe.
Le commandement qui lui est échu lui pèse et il a conscience qu'il ne prend pas les bonnes décisions qui seraient celles de se soucier de mettre en sécurité ses hommes. Au contraire, il est bouffé par une haine viscérale des indiens et les décisions qu'il prend sont dictées par son désir de vengeance. On apprendra au détour d'une conversation que sa femme a été massacrée et violée par des indiens et pire, que sa femme a préféré tuer ses deux enfants plutôt que de les voir livrés aux indiens.
Une bonne idée scénaristique montrant l'état torturé et tourmenté du sergent est le fétichisme des montres qu'il récupère sur les cadavres des soldats et qu'il remonte régulièrement...
Face au sergent, les acteurs jouant les rôles de soldats sont efficaces et convaincants avec Forest Tucker (un soldat véhément et revendicatif), John Russel (un soldat récemment recruté mais qui a déjà une longue expérience de la vie) et Antony Caruso (un éclaireur Pawnie).
A propos de ce dernier acteur, pour se préparer à un combat, l'éclaireur met sur son visage des peintures (de guerre). A un soldat qui s'en étonne, il lui répond que "comme c'est mal de tuer, il est nécessaire que l'indien se cache derrière ses peintures" s'attirant la réponse :"t'es bien qu'un païen et un sauvage". Avec un grand sourire, l'éclaireur conclut : "dis-moi, tu es chrétien et pourtant tu as un fusil ..."
Pour conclure, ce western sans concession, sombre et dur me rappelle tous ces films de guerre où, pareil, une patrouille a du mal à avancer en territoire ennemi et où les soldats sont en perpétuel conflit avec leur hiérarchie. "Fort massacre" ne dure que 80 minutes mais ça reste 80 minutes intenses.