Le sable, la guerre et Depardieu. C'est le vrai casting de cette épopée guerrière de Corneau qui va dépenser son budget faramineux comme jadis on investissait dans nos coins d'Afrique. Mais à construire des forts et à ne pas avoir besoin de construire de décors, le film oublie qu'il doit bel et bien construire des personnages et une intrigue qui aille au-delà des aléas historiques de ces combats sahariens menés avant la Première Guerre mondiale. Impatient de nous immerger dans une Mauritanie qu'il exhorte, conjointement à l'UNESCO, à protéger, il laisse Depardieu fabriquer son personnage, mais l'autre est trop à l'aise dans son uniforme de jeune lieutenant pour s'occuper d'une tâche qui revient à son supérieur le réalisateur.
Un film de trois heures est rarement mauvais, et Fort Saganne hérite en effet de la profondeur attendue en contrepartie. Les caractères finissent par se forger, mais ce n'est pas non plus grâce à Marceau ni Deneuve qui semblent coincées avec leur set d'expressions faciales toutes prêtes. Il y a si peu de scénario qu'on peine à se remémorer ce qui a pavé les longues minutes du visionnage, en-dehors des paysages et de cette guerre oubliée d'à peine un siècle où l'on changeait de continent afin de mourir pour son pays.
Ce sont ces oasis qui rendent la traversée du désert plus que supportable, presque agréable, mais il faut vraiment attendre la partie finale pour avoir droit à quelques démonstrations d'un art véritable ; les contrastes qui se produisent entre le Sahara et les tranchées pluvieuses font un écho à cette paix retrouvée pendant si peu longtemps, et il faut bien créditer les sautes d'humeur d'un Depardieu qui donne à son personnage l'intérêt d'être un rebelle contre ses émotions, ses supérieurs et la raison même du film ; la guerre à l'ancienne mode. Alors oui, il est fort Saganne, mais il n'est pas aidé.
Quantième Art