Tomas Alfredson a bien réalisé un film magnifique, pas loin du chef d’œuvre, seulement personne n’en a jamais entendu parler.
Entre la paire auréolée de gloire Morse - La taupe et une ribambelle de téléfilms n’ayant jamais franchis les frontières suédoises, erre dans les méandres de la filmographie de Tomas Alfredson Four Shades of Brown (Fyra nyanser av brunt, en VO). L’oublié magnifique. L’inconnu fantastique. 4 histoires parallèles sur la vie contemporaine suédoise se déroulent simultanément dans 4 localisations différentes de son vaste territoire, pendant un peu moins de 3 heures. Une sorte de Magnolia à la suédoise, l’humour en plus.
4 fables affables fabuleuses
Le film nous plonge dans 4 histoires mémorables de troubles familiaux, de conflits générationnels et de paternités ratées où les problèmes de communication sonnent comme une a bombe à retardement. 4 récits très sérieux, donc, riches en émotion, où les situations aux problématiques sociétales toujours très graves s’enchaînent, baignées d’une douce mélancolie qui tranche avec un sentiment de malaise générale, desquels suinte un humour satirique au vitriol, une ironie grinçante permanente, qui offrent quelques scènes particulièrement jouissives. Géniale. Une tragi-comédie sur l’absurdité de la vie de tous les jours, portée par une réalisation simple, sobre et efficace, de laquelle émerge quelques plans magnifiques.
Le film ne porte pas tant sur la situation de la Suède et des suédois mais plus sur la situation de tout le monde, dans tout le monde. Sur les rituels absurdes de la vie de tous les jours et les relations qui façonnent la vie de familles ordinaires.
Après les rires, la mandale
Four Shades of Brown est un film qui se mérite, long au démarrage, qui prend le temps de se mettre en place, d’installer les bases de chacun de ses quatre récits, d’introduire ses nombreux personnages et de présenter leurs principaux traits de caractère. Pendant près de 2 heures on s’attache ainsi à chacun d’entre eux, à leur simplicité attendrissante ou à leur exubérance déconcertante, à leur torpeur indolente ou à leur énergie débordante, à leurs sourires communicatifs ou à leurs airs renfrognés, à leurs anecdotes désopilantes ou à leurs histoires dérangeantes, à leurs pérégrinations quotidiennes ou à leurs situations exceptionnels. On apprend à se familiariser avec chaque univers, à connaître chaque personnage. On sourit, on se méprend, on rit, on se détend. Puis le ton se durcit brusquement, l’humour noir laisse place à une gravité pesante et on se prend un direct du droit de docker gallois que l'on a pas le temps de voir venir. On est désarçonné, on titube, hagard, happé par ce changement brutal de ton alors que le sourire qui séjournait sur le coin de nos lèvres n'a pas encore eu le temps de se faire la malle.
La construction du film, le développement des personnages, le rythme lent, l’humour noir et la réalisation sobre, tout conduit vers cette dernière heure tendue, dure et touchante, que l’on regarde les yeux écarquillés, le souffle coupé.
On termine Four Shades of Brown le cœur serré, touché de plein fouet par ses destins extraordinairement banals racontés avec tant de simplicité.