Tout n'est qu'une question d’apparence.

Si j'avais su que Foxcatcher n'était rien d'autre qu'un film d'auteur intimiste à la con de ce style, je n'y serais certainement jamais allé. Bon ok vous connaissez mon aversion pour ce genre de films auxquels je n'accroche pas et que je trouve en général absolument pas palpitant et débordant de pseudos messages subtiles tellement invisibles et tirés par les cheveux qu'il faut vraiment être adepte de la branlette intellectuelle pour en apprécier le contenu. Ce n'est que mon avis forcément un peu biaisé et pas super objectif, mais qu'importe. Ici je pense sincèrement que Foxcatcher est un film objectivement mauvais, qui fait mine d'être intelligent et original pour se faire bien voir auprès du public, de la critique pro et des jurys de toutes les cérémonies ou festivals dont il est susceptible de gagner des prix.

Foxcatcher, c'est avant tout un fais divers alléchant que je vous invite d'ailleurs plus à aller lire qu'à découvrir sur grand écran. Car faire un long métrage expliquant les origines de ce fait divers en s'attardant principalement sur les relations entre ses principaux protagonistes, c'est un choix extrêmement casse-gueule dans la mesure où il n'y a pas énormément de matière à exploiter. Le réalisateur opte donc pour le film d'auteur intimiste, se contentant de filmer les personnages et leur histoire sans donner un cap à son récit. On enchaîne donc moult scènes plus ou moins longues, abordant une multitude de thèmes plus ou moins visibles et on se retrouve donc avec une oeuvre sois disant riche et profonde. Sauf que tous cela n'est en fait que pure illusion(s).

En effet, si le film semble de loin arborer une multitude de thématiques très intéressantes, il ne s'attarde finalement sur aucunes d'entre elles. La relation entre John du Pont et son lutteur est centrale, mais au final on ne sait rien sur eux. S'agissait-il d'une relation quasi filliale ? D'un couple homosexuel refoulés ? Pourquoi leurs rapports se sont-ils détériorés ? En quoi la présence de Mark Ruffalo chamboule t-ils ces deux protagonistes ? Le film énonce toute une série d'hypothèses indiquant tous et son contraire à ce sujet, sans jamais clairement définir son point de vue. Chacun y voit la réponse qu'il veut me direz vous, sauf que si on creuse un peu, on s'aperçoit qu'il y a peu de choses à décortiquer, tant le scénario est vide et ne sait clairement pas quoi raconter à travers cette histoire.
Même les personnages manquent cruellement de développement. Pareil, on essaye d'approfondir leur personnalité à travers des scènes plus ou moins longues, mais ce ne sont que des indices ultra bateaux qu'on nous propose, les personnages n'ont pas droit à une évolution ou un vrai développement recherché. Le plus décevant restant le personnage principal, héros en or, qui est si mal développé que le dénouement final en a réveillé plus d'un dans la salle tellement il est inattendu et invraisemblable. Après réflexion, j'en ai déduis qu'il aurait commis son geste parce qu'il voulait être considérer comme le chef du troupeau, le grand manitou, celui qui transforme ses sportifs en champion, qui les guide vers la victoire. Même si il essaye de s'en convaincre en rédigeant des discours de louages pour ses lutteurs ou en se commandant un reportage de propagande à sa gloire, il sait que c'est le frère de Mark le véritable chef de meute. Du coup il se sent blessé dans son honneur et décide de mettre fin à ses jours sur un coup de tête. Je n'ai trouvé aucune autre explication. Si tel est le cas, avouez que c'est quand même très faible comme développement de personnage.

Mais il y a pire. Afin de mettre toutes les chances de son coté, Benett Miller cherche à se faire remarquer par tous les moyens. Pour se faire, il nous impose une ambiance inutilement lente et mortuaire, très typique chez ce genre de film, mais qui ici alourdit considérablement le récit et donne à son spectateur une terrible sensation d'ennuie et de fatigue. Le long métrage ne décolle jamais, figé dans son silence et sa lenteur démesurée durant 2h20 qui semblent interminables. Le film est tellement lent et silencieux que j'entendais super bien le chauffage de la salle et la respiration de Dream à côté de moi, c'est dire ! L'histoire passe tranquillement, sans que l'on arrive une seule seconde à se sentir impliqué pour les protagonistes et leurs aventures. Même les scènes de combats ne nous procure aucune émotion, alors que putain, quand ton film à un tel sport pour cadre, tu te dois de savoir les mettre en scène un minimum pour pouvoir nous faire ressentir toute l'intensité de ces moments !
La réalisation s'accompagne également de quelques plans symboliques que les cinéphiles du Cercle se feront une joie de disséquer pendant des heures pour montrer à quel point c'est brillant. Moi perso, ce genre de mise en scène ne m'a jamais intéressé. Je suis bien plus sensible à une réalisation tentant de me faire ressentir des émotions ou m'indiquer des images symboliques un minimum compréhensible. Si il faut visionner 100 fois chaque séquences et avoir l'esprit sacrément tordu pour déceler la pseudo intelligence du réalisateur, c'est quand même sacrément dommage non ?

Enfin on en vient au principal argument du film pour se faire remarquer partout où il passe, à savoir : Steve Carrel. Parce que oui, aller chercher un acteur de comédie jouant quasi systématiquement le même rôle pour lui faire jouer un personnage sombre et à contre emploie total, ce n’est pas un pari risqué, juste un argument promotionnel pour qu'on parle du film. J'avais peur que la performance de Carrel ne soit un peu surestimé, juste parce qu'il se permettait de sortir de son registre habituel, mais forcé de constater qu'il s'en sort haut la main. J'ai crains le pire au début quand je l'ai vu arborer le même air de vieux con, faible et dépressif avec ses yeux écarquillés et sa bouche perpétuellement ouverte tous au long de ses apparitions. Mais en réalité, plus les scènes passaient et plus j'étais réceptif à son jeu. Il interprète en fait son personnage avec beaucoup de retenu et de subtilité, effectuant un vrai travail de composition et faisant de John du Pont un être impassible, froid et mystérieux. Tantôt attachant mais aussi terriblement flippant.

En gros si vous êtes fans des films d'auteurs peu original, ayant un semblant de profondeur et baignant dans une ambiance horriblement lente et chiante, ce film est fait pour vous. En revanche, si vous n'êtes pas friand de ce genre et que vous souhaitez juste voir le film à cause de sa promo abusive, par pitié économisez vous ces 2h20 de torture !
Alfred Tordu

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